Emotions et connaissance
12/01/2014
Des chercheurs ont représenté en couleurs la manière dont nos émotions affectent nos corps. L'image a, comme on le sait bien, un impact plus rapide que le mot, puisque plus accessible. Mais déjà Spinoza nous apprend que l'âme humaine ne peut se connaître qu'à travers les affections du corps ("en tant qu'elle perçoit les idées des affections du Corps"). On peut trouver chez lui une analyse minutieuse des passions comme la honte, le mépris, la crainte, l'espérance, le remords, la gratitude, le regret, l'estime, la faveur, mais ce sont le Désir, la Tristesse et la Joie qui sont les trois "affections" fondamentales. Le Désir est l'essence même de l'homme "en tant qu'elle est conçue comme déterminée à faire quelque chose par une affection quelconque donnée en elle", c'est un effort par lequel l'homme persévère dans son être. La vertu est l'essence et la puissance même de l'homme, l'effort même pour conserver l'être propre, et la félicité consiste en ce que l'homme peut conserver son être. "L'effort pour se conserver est la première et unique origine de la vertu".
Tout ce que nous faisons, dit Spinoza, doit servir à l'avancement et à l'amélioration. L'homme ne se connaît lui-même que par les affections de son corps et leurs idées. Entre l'âme est le corps, il y a de l'amour -"Quel amour! ". "L'objet de notre Ame est le Corps existant et n'est rien d'autre" (...) "le Corps humain existe conformément au sentiment que nous en avons." (....) "Si quelque chose augmente ou diminue, seconde ou réduit la puissance d'agir de notre Corps, l'idée de cette chose augmente ou diminue, seconde ou réduit la puissance de notre Ame". L'essence de la raison n'est autre chose que notre âme qui connaît clairement et distinctement. En tant que raisonnable, l'âme ne désire rien d'autre que la connaissance, et ne juge utile une chose que si celle-ci la conduit à la connaissance. Une affection n'est mauvaise ou nuisible que dans la mesure où elle empêche l'âme de penser. Dans l'âme il n'y a aucune volonté absolue ou libre, aucune faculté de vouloir ou de non-vouloir, mais seulement "des volitions singulières, c'est-à-dire telle et telle affirmation et telle et telle négation". "L' Ame est déterminée à vouloir ceci ou cela par une cause qui est aussi déterminée par une autre, et cette autre l'est à son tour par une autre, et ainsi à l'infini". (...) "La Raison ne demande rien qui soit contre nature, elle demande que chacun s'aime lui-même, cherche l'utile propre, ce qui est réellement utile pour lui, désire tout ce qui conduit réellement l'homme à une perfection plus grande..." (...) "Rien de plus utile à l'homme que l'homme; les hommes ne peuvent rien souhaiter qui vaille mieux pour la conservation de leur être, que de s'accorder tous en toutes choses de façon que les Ames et les Corps de tous composent en quelque sorte une seule Ame et un seul Corps, de s'efforcer tous ensemble à conserver leur être et de chercher tous ensemble l'utilité commune à tous; d'où suit que les hommes qui sont gouvernés par la Raison, c'est-à-dire qui cherchent ce qui leur est utile sous la conduite de la Raison, ne désirent rien pour eux-mêmes qu'ils ne désirent aussi pour les autres hommes, et sont ainsi justes, de bonne foi et honnêtes".
"Toutes les affections se ramènent au Désir, à la Joie ou à la Tristesse "(...) "..l'homme est nécessairement toujours soumis aux passions, suit l'ordre commun de la Nature et lui obéit, et s'y adapte autant que la nature des choses l'exige. La force et la croissance d'une passion quelconque, et sa persévérance à exister, ne se définissent point par la puissance avec laquelle nous persévérons dans l'existence, mais par la puissance de la cause extérieure comparée à la nôtre." (...) " Mais la puissance de l'homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par celle des causes extérieures; nous n'avons donc pas un pouvoir absolu d'adapter à notre usage les causes extérieures. Nous supporterons, toutefois, d'une âme égale les événements contraires à ce qu'exige la considération de notre intérêt, si nous avons conscience de nous être acquittés de notre office, savons que notre puissance n'allait pas jusqu'à nous permettre de les éviter, et avons présente cette idée que nous sommes une partie de la Nature entière, dont nous suivons l'ordre."
"La Joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection. La Tristesse est le passage de l'homme d'une plus grande perfection à une moindre perfection. La Tristesse diminue ou réduit la puissance d'agir de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être, ainsi elle est contraire à cet effort". "Un Désir qui naît de la Joie est plus fort, toutes choses égales par ailleurs, qu'un Désir qui naît de la Tristesse" (...) "Par bien j'entends ici tout genre de Joie et tout ce qui, en outre y mène, et principalement ce qui remplit l'attente, quelle qu'elle soit. Par mal j'entends tout genre de Tristesse et principalement ce qui frustre l'attente. Nous appelons bon ou mauvais ce qui est utile ou nuisible à la conservation de notre être, c'est-à-dire ce qui croît ou diminue, seconde ou réduit notre puissance d'agir "(...) "La Joie est une affection par où la puissance d'agir du Corps est accrue ou secondée; la Tristesse, au contraire, une affection par où la puissance d'agir du Corps est diminuée ou réduite.."
"Qui se connaît lui-même et connaît ses affections clairement et distinctement, est joyeux" (...)
(Citations de Spinoza, Oeuvres I -Traité de la réforme de l'entendement , et Oeuvres III -Ethique)
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