Altruisme numérique
08/03/2014
Chaque époque historique a eu son modèle humain, son archétype de héros. Si la nôtre avait son archétype, ce serait peut-être le cyberhéros. Voici une recherche récente qui propose un autre angle de vue sur les technologies numériques. La psychologue américaine Dana Klisanin s'intéresse à ceux qui utilisent Internet et les technologies numériques pour aider les autres (gens, animaux, environnement), et elle montre comment les interactions en ligne peuvent promouvoir la compassion et l'altruisme (digital altruism). Elle a mis en place un jeu vidéo pour les jeunes, dont le but serait d'aider ceux-ci à s'attaquer aux défis de la globalisation, en utilisant leurs ordinateurs. Il est vrai que les études sur le comportement en ligne se focalisent d'habitude sur la cyber-agressivité, la cyber-guerre et les cyber-attaques, mais il existe également des gens qui utilisent Internet pour faire le bien, pour passer à l'action positive, il existe des cyber-héros, de l'héroïsme collaboratif, et des médias et des technologies interactives qui encouragent les gens à vivre de manière consciente. "Lorsque vous avez des milliers de gens engagés ensemble, vous créez le changement, et c'est l'espérance".
C'est un exemple de recherche qui se situe bien dans le courant de la psychologie positive, branche de la psychologie cognitive humaniste (née aux US dans les années '90, Seligman, Peterson), qui met l'accent sur les forces de caractère dans la construction du bien-être. Les voici: sagesse et connaissance (curiosité, créativité, ouverture d'esprit), courage (persévérance, authenticité, enthousiasme), humanité (amour, intelligence émotionnelle, bienveillance), justice (responsabilité sociale, leadership), tempérance (prudence, humilité, pardon), transcendance (beauté, esprit, gratitude, humour, vie spirituelle).
On se souvient qu'à une époque dominée par la pensée freudienne, Maslow était, au contraire, fasciné par les êtres qui avaient mené à bien leur réalisation personnelle, et, d'ailleurs, le reproche qu'il faisait à la psychologie du XIXe était de se polariser sur la maladie, et de négliger l'étude des sujets sains. Il a eu le mérite d'avoir tracé la frontière entre la psychothérapie (qui prend en charge les besoins de base, dans un processus de guérison), et la réalisation de soi, le développement de la personne, dans un processus de mieux-être, de croissance, de maturation.
Ce courant humaniste s'enrichit aujourd'hui des nouvelles approches qui prennent appui sur les découvertes en neurosciences. Entre notre cerveau et notre esprit, il existe un lien sur lequel nous sommes invités à travailler: c'est la "self-directed neuroplasticity", que nous explique Rick Hanson ("We can change our brains and our lives for the better").
"L'éducation n'est pas l'apprentissage des faits, mais l'entraînement de l'esprit à réfléchir", observait Einstein. L'optimisme dont on a tant besoin, et que l'on regarde parfois (en Europe, précisons), d'un air légèrement condescendant, ce serait passer à l'action ("taking action in the Good"), et s'entraîner à un mode de pensée et d'explication particulier, fait d'attention focalisée sur une situation concrète donnée, sans généraliser, tout en privilégiant le réalisme et la lucidité.
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