Les idées qui font du bien
05/12/2014
Dans notre monde complexe, rapide et changeant, la pratique de l'antériorité et l'entraînement de l'esprit en général, et de la méditation en particulier, sont devenues indispensables aujourd'hui plus que jamais -observe le psychiatre Christophe André dans la préface à l'ouvrage de Rick Hanson, Le Cerveau de Bouddha. "Notre monde est de plus en plus sollicitant, et il est devenu très facile de se couper de notre intériorité: l'extériorité nous tend les bras et se propose de remplir toute notre conscience (...). Aujourd'hui, au moment où nous n'avons plus à remplir nos journées d'actes de survie (trouver à manger, où dormir), nous devrions profiter du temps et de l'énergie libérés par la technologie pour devenir des êtres plus intelligents et plus équilibrés. Mais nous ne le faisons pas: nous laissons ce nouvel espace de connaissance vacant être comblé par tout un fatras de superficialité externe dont nous abreuve notre société de consommation et de distractions".
En même temps, il existe, surtout dans le monde anglo saxon, énormément d'ouvrages et de sites témoignant d'une recherche scientifique élargie sur le cerveau, très active en milieu universitaire. Comprendre le fonctionnement du cerveau pourrait nous aider à développer des comportements plus adaptés, vers plus de bien-être, de meilleures relations, et plus de bonheur. Par exemple, on savait que la compassion était la clé de la motivation pour un comportement altruiste, mais récemment on a découvert qu'elle pouvait être cultivée à travers une formation spécifique. L'activation plus intense des systèmes impliqués dans la compréhension de la souffrance d'autres personnes augmenterait le comportement altruiste. Pareille aux compétences physiques ou académiques, la compassion peut être améliorée, développée par la pratique et l'entraînement (des modifications dans la fonction du cerveau ont été constatées après 7 heures d'entraînement). Faire entraîner les élèves à la gentillesse et à la compassion les aiderait à apprendre à connaître leurs propres émotions et celles des autres, ce qui diminuerait l'agressivité. Cela pourrait aussi bénéficier aux gens qui ont à surmonter des défis comme la phobie sociale ou le comportement antisocial. En Amérique du Nord, beaucoup d'établissements scolaires, du premier cycle jusqu'à l'université, ont mis en place des cursus en Social Emotional Learning (Google affiche plus de 19 millions d'entrées en anglais..).
L'idée de base est que nous pouvons recâbler notre cerveau dans un sens positif et en nous appuyant sur nos forces intérieures. D'ailleurs, le management récent commence à intégrer les résultats de ces recherches (Strengths Management Skills), et à relier l'employabilité à la connaissance de soi. Quand nous connaissons nos forces et nos compétences, nous sommes plus efficients et plus confiants dans le rôle que nous voulons assumer en postulant pour tel ou tel emploi. Une politique de l'emploi viable n'hésiterait pas à se dépoussiérer, et à aller vers des méthodes et des techniques plus intelligentes que celles consistant à refaire le CV sous N variantes..(en France, on n'a toujours pas dépassé ce stade).
Voyons quelles sont les 12 forces intérieures que l'auteur Rick Hanson a répertoriées sous formes d'exercices hebdomadaires (Practices). Je les a recherchées et résumées ici, mais on pourra les retrouver intégralement en consultant son site.
Il s'agit d'apprendre à recâbler et à augmenter ces forces, qui sont des traits stables, à la différence des états mentaux qui sont rapides. Elles opèrent automatiquement, par exemple le sens de la perspective, la foi, la conscience de soi. D'après une idée bien connue en médecine et en psychologie, la manière de ressentir et d'agir dans la vie (relations spécifiques et situations) est due à trois facteurs: les défis auxquels nous nous confrontons, les vulnérabilités qu'ils vont toucher, et les forces que nous avons pour affronter ces défis et protéger nos vulnérabilités. Si nous voulons nous sentir moins stressés, anxieux, frustrés, irritables, déprimés, déçus, coupables, seuls, blessés, ou inadaptés, nous devrons développer davantage de forces intérieures. En moyenne, un tiers des forces d'un individu sont innées, si l'on considère la composante génétique présente dans le tempérament, les talents, la personnalité. Les deux tiers restent à développer, si nous voulons les acquérir. Et c'est la chose la plus importante qu'il nous faudra apprendre (Grow Inner Strengths). Nos expériences de bonheur, de chagrin, d'amour, d'anxiété laissent des traces dans notre cerveau, en modifiant nos réseaux neuraux. Il y aura plus de réactivité, ou plus de vulnérabilité à l'anxiété, ou plus de penchant vers la colère, la tristesse et la culpabilité. Mais si nous basons notre esprit sur des événements ou des situations agréables, des intentions et des qualités positives, des plaisirs physiques, alors, avec le temps, notre cerveau va prendre une forme en conséquence: un recâblage de force et de résilience, d'optimisme et de sens de la valeur. Nous pouvons créer délibérément des expériences censées remodeler en bien notre cerveau, par une pratique simple et authentique.
La pleine conscience (Mindfulness) est une force basée sur le pouvoir démontré de la méditation. L'amour (Feed the Wolf of Love) est une autre force. Il s'agit de choisir simplement de nourrir le loup de l'amour, et de contrôler le loup de la haine que nous avons en nous. Cela nous rendra moins contrariés, moins amers, moins agressifs, et plus solides, plus patients. Nous pourrons éviter les conflits, mieux traiter les autres, être aussi moins une menace pour eux. La résilience (Resilience) nous permet d'accepter que les choses changent en permanence (détérioration naturelle, désordre des systèmes organisés..). Ne pas l'accepter est une forme de résistance qui nous dessert et qui se manifeste par un sens de la pression, du jugement, ou de la frustration. La plupart de notre stress, de notre souffrance émotionnelle, et de nos conflits avec les autres viennent justement de la friction et de la résistance à la vie, en tant que telle. N'oublions pas que nous pouvons accepter la réalité du changement, tout en faisant de notre mieux pour que des choses changent dans le bon sens. Accepter que les autres puissent être différents de ce nous aimerions qu'ils soient (amis, famille, collègues, personnalités, dirigeants..) fait partie de l'acceptation de la réalité. Cela ne signifie pas que nous devons être forcément d'accord avec eux, chercher leur approbation, ou renoncer à nos propres droits. Nous pouvons entreprendre des actions appropriées pour notre bien et celui des autres, tout comme nous pouvons simplement laisser les gens être ce qu'ils sont. Accepter la réalité de l'autre peut nous procurer une sorte de paix, à un niveau très profond, et paradoxalement, cette acceptation va faire que les choses aillent mieux.
La satisfaction (Feel Already Full) est la stratégie conventionnelle vers le bonheur, et nous la poursuivons pour quatre raisons. 1) Notre cerveau a évolué parce qu'il a répondu à trois besoins: éviter les maux, obtenir les récompenses, s'attacher aux autres. Certains individus ont été plus capables de survivre et de transmettre leur gènes qui se retrouvent dans notre ADN d'aujourd'hui. 2) Nous sommes bombardés de messages nous incitant à consommer toujours plus, la valeur dans notre culture est basées sur les réalisations, la richesse, l'apparence, nous devons nous améliorer tout le temps, et la barre est placée de plus en plus haut. 3) Les expériences des jeunes sont négativement biaisées (la souffrance et le plaisir), et cela crée un fond d'anxiété, de ressentiment, de perte, de blessure, d'inadaptation, de culpabilité ou de honte, qui pousse à la surréaction. 4) Pour que nous puissions avoir une émotion, un désir, un souvenir, une perception, le travail de notre cerveau consiste à mettre de l'ordre dans le chaos, le bruit et les signaux (cognitive essentializing). Toutes les traditions de sagesse sont d'accord que la stratégie conventionnelle de poursuite du bonheur est vouée à l'échec, et qu'elle nous rend en réalité malheureux. C'est la vérité sur la vanité. Mais, il y a une autre vérité, moins apparente, celle de la plénitude des instants où nous nous sentons en paix, calmes, aimés. Bien sûr, il est normal de vouloir plus de plaisir et moins de souffrance, de souhaiter la justice et la paix. En même temps, nous réalisons parfois profondément que nous n'avons pas besoin de désirer plus, de lutter plus, de nous cramponner. Et comme le cerveau retient par excellence les expériences négatives, plutôt que les expériences positives, nous pouvons essayer de l'aider à "absorber" un de ces instants intenses.
L'intégrité (Be Benevolent) signifie être bienveillant, à savoir sincère, empathique, coopératif, compassionnel. La bienveillance sera présente dans la décence, la gentillesse, la chaleur, l'altruisme, l'honnêteté, la générosité, l'amour. A l'égard de nous-mêmes, elle va remplir les trois besoins fondamentaux que nous avons nommés, et à l'égard des autres, elle va aplanir les conflits, va fonder la confiance, en étant la meilleure stratégie pour que nous soyons bien traités en retour. La bienveillance n'est pas simplement morale, elle est essentielle pour les individus, les relations, les nations, le monde dans son ensemble.
Le sens de sa propre valeur (Know You Are a Good Person) c'est être capable de percevoir ce qui est bon en soi-même, et dans les autres. Au cours de notre vie, nous sommes modelés par toutes sortes d'interdits, le plus souvent d'ordre culturel. Quand nous ne sommes pas perturbés par la souffrance, la perte, ou la peur, notre cerveau retrouve un équilibre naturel de calme, de satisfaction et d'attention bienveillante.
Le courage (Accept Difficulty) consiste à accepter la difficulté, car quand nous arrêtons de résister à une difficulté, nous commençons déjà à sentir que les choses sont moins difficiles. Il faut plutôt gérer que lutter, essayer de rester dans ce choix: "D'accord, c'est difficile. Et alors? " Plus notre vie est pénible, plus nous devrons faire attention à nous-mêmes, et chercher ce qui nous aide normalement: exercices, méditation, protéines à chaque repas, moments de gratitude, enfin, des choses qui nous nourrissent. Les difficultés viennent et s'en vont, nos qualités et les bons aspects de l'existence demeurent.
L'intelligence sociale (Receive Faces) signifie savoir ou apprendre à regarder les visages autour de soi, voir la personne qui est derrière une apparence (âge, sexe, vêtements,etc.). Le visage est un émetteur et un récepteur à la fois, et si nous sommes inattentifs ou indifférents, nous pouvons passer à côté d'informations importantes sur le vouloir des autres, leurs buts, leur anxiété et leur irritabilité, mais aussi leurs bonnes intentions envers nous. Ce sont tout autant d'opportunités de coopération ou d'amitié que nous pouvons rater également. Bien sûr, il faut regarder les autres avec respect, sans les fixer, et s'arrêter sur les régions les plus "sociales" du visage - les yeux et la bouche.
La motivation (Keep Your Eyes on The Prize) ou rester concentré sur ce qui est vraiment important. Par exemple, en connaissant notre but dans la vie, nous pouvons dresser la liste de nos priorités, les examiner, réfléchir à celle qui est la plus importante et imaginer ce qui changerait si elle était atteinte, réécrire la liste des priorités en fonction de notre objectif.
La sagesse ou être chez soi (Be Home). Lorsque le corps n'est pas perturbé par la faim, la soif, ou la maladie, ni l'esprit par la menace, la frustration, ou le rejet, alors la plupart des personnes accèdent à leur état de base, un équilibre dans lequel le corps se ressource et se répare tout seul, et l'esprit se sent serein, heureux, aimant. C'est notre base (Responsive mode of living). Quand l'inverse se produit - nous sommes dans ce déséquilibre physique et psychologique qui a aidé nos ancêtres à survivre, et à voir le lever du soleil le lendemain, mais qui mine le bien-être, la santé, et diminue la durée de vie (Reactive mode of living). Ces modes de vie sont le fondement de notre nature humaine, le seul choix que nous ayons, ce serait dans lequel des deux nous situer. Tant que nous avons le sens du "chez soi", nous y sommes, et cela parce que notre corps et notre esprit penchent vers le Responsive mode, c'est là une énergie que nous conservons tout au long de notre vie, pendant que nous consolidons notre apprentissage, pendant que nos ressources intérieures s'accumulent plus qu'elles ne s'épuisent, et que nos traumas et douleurs se cicatrisent. Essayons d'être chez nous dans notre corps, dans nos sens, dans nos actions, où que nous nous trouvions, dans notre vie, dans l'univers...
Le plus grand bonheur, c'est la paix, dit un proverbe (Enjoy Four Kinds of Peace): la paix de la relaxation et du soulagement (nous regardons par la fenêtre et nous nous sentons paisibles), la paix de la tranquillité (le corps et l'esprit sont détendus à la fin d'un travail, d'un moment de méditation), la paix très subtile de la conscience de soi, la paix de ce qui est permanent (le fait que les choses changent ne change pas, des choses changent dans l'univers, mais l'univers en lui-même est permanent, nous sommes une vague dans un immense océan de culture humaine, de nature et d'univers physique, nous changeons, mais à l'intérieur d'un tout qui ne change pas).
2 commentaires
Quelle puissante et profonde analyse !
Tu as tout compris de ce qu'est la sagesse.
Tes prochains cours vont être riches...
Je t'embrasse fort.
A, la sagesse... A quel prix, surtout.. Merci beaucoup, Marie-Claude, je t'embrasse très fort, à très bientôt.
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