Pouvez-vous aimer sans désirer? (Can you like without wanting?)
06/04/2015
Aspirer sans s'attacher
Pourquoi?
Vivre c'est poursuivre des buts. En dehors du caractère sain de l'intérêt et de la bonté que vous avez à l'égard de vous-même, il est normal, et aussi une excellente chose, que vous recherchiez aussi la sécurité, le confort, la réussite, le plaisir, l'expression créatrice, la santé physique et mentale, la relation, le respect, l'amour, l'épanouissement, le développement spirituel.
La question c'est de savoir si vous allez à la poursuite de ces buts de manière tendue et compulsive -en un mot avec attachement - ou bien si, sans effort et en toute sérénité, vous trouvez la récompense dans le voyage, quelle que soit la destination: avec aspiration.
La différence entre l'attachement et l'aspiration m'est apparue clairement un jour, dans le Colorado, à Boulder, où je m'étais rendu avec mon ancien ami Bob pour une semaine d'escalade. Dave, notre guide, nous a demandé quels objectifs nous nous étions proposés, et j'ai répondu que je voulais réaliser un 5.11 (la raideur de la pente) jusqu'à la fin de la semaine; à ce moment-là, j'arrivais à peine à grimper au 5.8. Bob m'a regardé attentivement et m'a dit que c'était de la folie, et que je ne réussirais qu'à me sentir déçu et frustré (Bob est motivé et il déteste rater ses buts). Non, j'ai dit, cela devait être faisable pour moi aussi: mes propres buts étaient tellement ambitieux, que si j'avais échoué à les atteindre, il n'y aurait eu aucune honte, et si j'avais réussi, alors tout serait devenu drôlement sympathique. Donc, j'ai continué sans m'arrêter, en faisant nettement mieux: 5.8, 5.9, facilement 5.10, péniblement 5.10... et ensuite le dernier jour, j'ai suivi Dave sans aucune chute jusqu'au 5.11. Hourra!
En gros, le moteur de l'attachement est l'envie irrésistible, qui contient et conduit à de nombreuses formes de souffrances (des plus subtiles aux plus intenses). Et même si elle a l'air d'une motivation stimulante -le coup de fouet qui va pousser le cheval au galop- à la longue elle s'avère contre productive, quand le cheval s'effondre.
D'autre part, l'aspiration -c'est-à-dire travailler dur pour atteindre ses objectifs sans rester suspendu aux résultats - procure de bonnes sensations, et en plus elle vous aide à vous élargir, à croître, sans vous soucier des apparences. Paradoxalement, si vous poursuivez vos objectifs sans vous y coller éperdument, vous augmentez votre chance de les atteindre, tandis qu'en cas contraire -en craignant l'échec- vous faites obstacle au bon résultat souhaité.
Si vous restez assis sur votre canapé toute la vie, sans jamais vous soucier ou aller vers quelque chose d'important, vous pouvez éviter les pièges de l'attachement. Mais si vous avez un job, une relation profonde, une famille, une responsabilité, un talent artistique, ou un appel spirituel, votre défi consistera à persévérer dans le chemin, avec dévouement et sérieux, centré sur l'aspiration.
Comment?
L'aspiration a quelque chose avec aimer, l'attachement a quelque chose avec désirer fortement, et ils impliquent des systèmes différents dans votre cerveau. Aimer ce qui est agréable et rejeter ce qui est désagréable, c'est normal et cela ne pose aucun problème. Le trouble apparaît lorsque nous tombons dans le piège de l'envie irrésistible et de la pression inhérente du vouloir, vouloir, vouloir que ce qui est agréable continue, et que ce qui est désagréable prenne fin.
Apprenez donc à reconnaître les différences entre aimer et vouloir au niveau de votre corps, de vos émotions, de vos comportements, de vos pensées. Je crois que vous allez constater qu'en aimant vous vous sentez ouverts, détendus, souples, tandis qu'en désirant fortement vous vous sentez serrés, pressés, tendus, obsessionnels.
Ensuite, observez si vous êtes capables de vous maintenir dans l'aimer sans glisser vers le vouloir à tout prix:
- Aidez les petits signaux d'alerte dans votre tête à se déclencher: Attention! Vigilance! -quand vous reconnaissez cette sensation familière de volonté irrésistible, surtout au stade où elle est diffuse et flotte quelque part, à l'arrière de votre esprit.
- Relâchez toute emprise du "je dois absolument avoir ça". Encouragez-vous à ressentir que votre vie est et sera fondamentalement bonne, même si vous n'atteignez pas un certain but. Cherchez des effets du côté de la plénitude, et non de la pénurie ou du manque.
- Tâchez de rester relativement sereins -même au milieu d'une activité passionnante -puisque l'intensité, la crainte et la colère sont toutes le puissant combustible du "vouloir absolument".
- Abandonnez toute obsession en vue d'un certain résultat. Dites-vous que tout ce que vous pouvez faire c'est de vous concentrer sur les causes, mais que vous ne pouvez pas forcer les effets (voir le chapitre 37 de Just One Thing).
- Maintenez le sens du "moi" au niveau minimum. Des dizaines de facteurs déterminent la réussite ou l'échec, et vous n'arrivez à contrôler qu'une partie. Que vous soyez gagnant ou perdant, ne le prenez pas personnellement.
Pendant le chemin, faites attention à la croyance largement répandue selon laquelle si vous ne tendez pas avec acharnement vers vos objectifs, vous n'êtes qu'une mauviette. N'oubliez pas que vous pouvez toujours déployer un grand effort pour les atteindre, sans vous cramponner pour autant aux résultats. Retenez cette description que j'ai entendue une fois de Thich Nhat Hanh, un moine vietnamien qui avait réalisé beaucoup de choses en tant que défenseur de la paix et professeur:
Un nuage, un papillon, et un bulldozer.
2 commentaires
"Que vous soyez gagnant ou perdant,ne le prenez pas personnellement".
Phrase que j'aimerais que Roger puisse méditer.
J'apprécie beaucoup cet article.
Je t'embrasse très fort.
Il m'a plu aussi, je n'ai fait que lui donner une version française..Tant mieux si Roger est d'accord aussi.
De temps en temps, je choisis une "Pratique" proposée par Rick Hanson (il est enchanté que ses écrits soient connus en plusieurs langues: http://www.rickhanson.net/writings/foreign-languages/french/ ).
Je t'embrasse très fort, à bientôt :)
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