Définir l'intelligence
01/06/2016
Selon James R. Flynn, nous pouvons définir l’intelligence à deux niveaux : vérifier par des calculs mathématiques si les résultats du QI sont des bons indicateurs de la réussite scolaire ou de la qualification pour un emploi, ou bien, prendre en compte d’autres critères, la créativité et l’adaptation, comme fait Robert Sternberg. Une définition de l’intelligence consisterait à dire qu’elle détermine la hiérarchie des problèmes à résoudre, dans l’ordre de la priorité, à tel moment, à tel endroit. Les aborigènes australiens, par exemple, classent le type d’analyse logique que nous utilisons à l’école bien derrière la capacité de lire une carte (nécessaire pour éviter de mourir de soif). Les Américains des années 1900, peu instruits, le classeraient derrière l’intelligence pratique dont on a besoin pour tenir une ferme ou pour travailler à l’usine. Tout test doit mesurer ces capacités dans l’ordre des priorités, et il ne faudrait pas essayer de dresser des ponts entre les divisions culturelles, mais les respecter.
Pour Robert Sternberg, l’un des grands noms actuels de la psychologie de l’intelligence, et qui s’inscrit pleinement dans les sciences cognitives, notre esprit traite de l’information afin de donner des réponses pertinentes aux problèmes qu’il rencontre. Ces traitements sont l’œuvre de trois types de composantes : une dimension componentielle (la gestion de l’information –sélection, comparaison, combinaison, réponse..), une dimension créative ou expérientielle (notre capacité à détecter, à aborder et à gérer de nouvelles situations, ainsi que notre capacité à acquérir rapidement des automatismes transférables), et une dimension contextuelle (la pensée intelligente n’a pas lieu dans le vide, ni au hasard, d’où l’importance de la vie réelle au quotidien pour tirer parti de nos avantages et de nos faiblesses dans les contextes socioculturels respectifs). D’après Sternberg, il est impossible aujourd’hui de prédire le potentiel d'une personne en se limitant au calcul d’un QI. La pensée créative consiste à créer, à inventer, à découvrir, à imaginer, à supposer. La pensée pratique consiste à appliquer en contextualisant. Par exemple, lorsque nous voulons convaincre que notre idée est bonne, nous utilisons des compétences créatives pour exposer l’idée, des compétences analytiques pour montrer que l’idée a de la valeur, des compétences pratiques pour l’appliquer, et des compétences émotionnelles (éthique, sagesse) pour nous assurer que l’idée servira le bien, tant sur le long terme que sur le court terme, et cela par l’intermédiaire des valeurs positives. L’intelligence est la capacité à exercer une pensée analytique, créative, pratique, et à apprendre de façon judicieuse de l’expérience, à s’adapter, à sélectionner et à modifier l’environnement. L’adaptation a lieu quand une personne change afin de convenir à son environnement. Si cela ne fonctionne pas, la personne commence à façonner, à changer l’environnement, et si cela ne fonctionne toujours pas, la personne pense à choisir un nouvel environnement. Dans sa théorie de l’intelligence réussie, Sternberg souligne la nature unique de l’intelligence de chaque personne. L’intelligence implique la formulation d’un plan de vie qui correspond à chacun et à l’environnement où chacun vit ou peut vivre, l’exécution de ce plan, l’évaluation de ce plan. Dans cette perspective, une personne intelligente est celle qui va créer la meilleure vie possible pour elle, compte tenu des circonstances de l’environnement. La personne reconnaît ses points forts et ses points faibles, et elle va capitaliser sur les points forts et compenser ou corriger les points faibles. Nous n’avons pas le contrôle absolu sur notre vie, mais nous pouvons utiliser le contrôle dont nous disposons afin de créer notre vie du mieux possible. C’est cela l’intelligence, en réalité.
Néanmoins, Sternberg observe que selon cette théorie, des personnages comme Hitler ou Staline seraient dotés d’une intelligence de la réussite, puisqu’ils ont su tourner leurs atouts à leur avantage et compenser leurs points faibles, même au prix de millions de vies. Cette réflexion l’a amené à élaborer une théorie de la sagesse concernant notre capacité à utiliser nos différents types d’intelligences pour le bien commun. Il a élaboré aussi une théorie narrative de l’amour, basée sur trois composantes : l’intimité, la passion, l’engagement personnel. Selon lui, dès l’enfance et au cours de notre développement, de multiples influences (contes, famille, cinémas..) font naître chez chacun de nous une certaine histoire amoureuse, un scénario des relations de couple –d’ici l’aspect narratif de l’explication. Cette histoire idéale exerce une réelle influence sur nos choix de partenaires. Les différentes combinaisons des trois composantes vont aboutir à différents types d’amour. Ainsi, l’intimité seule est une amitié, la passion prise de façon isolée est un engouement passager, l’engagement personnel seul est un amour dénué de toute dimension émotionnelle. L’intimité combinée à la passion conduit à l’amour romantique, l’intimité combinée à l’engagement personnel conduit à un amour « compagnon », la combinaison passion/engagement personnel mène à un amour immature et insensé. Une combinaison des trois composantes dans une seule relation, ce serait l’amour total.
« Les composantes de l’intelligence sont posées comme universelles : ainsi les composantes qui contribuent à la performance intelligente dans une culture le font aussi dans toutes les autres cultures. De plus, l’importance de traiter la nouveauté et l’automatisation du traitement de l’information pour l’intelligence sont également posées comme universelles. Mais les manifestations de ces composantes dans l’expérience sont posées comme relatives aux contextes culturels. Ce qui constitue la pensée ou le comportement adaptatif dans une culture n’est pas nécessairement adaptatif dans une autre. »
Selon Richard Haier, l’intelligence est le contraire de la stupidité. La plupart des chercheurs la définissent comme un ensemble de capacités mentales qui incluent une habileté générale à résoudre des problèmes –c’est ce que l’on désigne par le facteur « g », lequel serait responsable de plus de la moitié de l’écart entre les gens dans les tests d’intelligence. C’est lui qui prédirait le succès dans les études et dans la vie, comme la note de moyenne, ou le niveau de revenus. Le facteur « g » constitue le point central de la recherche sur l’intelligence, il représente aussi un point de débat intéressant, certains chercheurs se demandant s’il est la meilleure prévision des variables du monde réel, d’autres analysant comment il se développe et jusqu'où il est malléable. Tout cela ne signifie pas que le monde de la recherche est en désaccord sur la définition de l’intelligence. Il existe un consensus depuis plus de cent ans de progrès de la recherche. Cela signifie seulement que la définition évolue à mesure que d’autres observations empiriques sont décrites. C’est ce qui se passe dans tous les domaines scientifiques, et c’est pourquoi la définition de l’atome ou du gène a changé au fil du temps. Au fur et à mesure que la recherche en neurosciences sur les capacités mentales avance, nous aurons une définition plus exacte de l’intelligence.
Références : Can We Define Intelligence ? ; Les Nouveaux Psys, Edition des Arènes, 2008
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