La dépression
01/11/2019
(Photo- Des hibiscus sous la pluie, Promenade du Paillon)
L’automne et l’hiver sont presque là, prêts à accueillir la dépression saisonnière. Voici un résumé basique des signes de la dépression, saisonnière ou non, que j’ai adapté d’après cet article. Et à la fin, une suggestion de lecture (le personnage est psy).
La dépression n’est jamais clairement visible, elle est difficilement décelable, et souvent trop tard. Elle n’est pas faite simplement de tristesse ou de larmes, mais surtout du sentiment paralysant que les choses n’avancent pas vraiment, même quand on est engagé dans des activités que l’on aimait. Pour la reconnaître, il faut observer d’autres signes parlants, car les personnes qui cachent une dépression adoptent des habitudes et des comportements inhabituels.
Il existe une corrélation entre les personnes qui sont expressives dans la vie de tous les jours et des signes de dépression. Cela parce qu’elles sont plus à l’écoute de leurs humeurs, de leurs impressions, et plus réceptives aux émotions négatives. Souvent, les personnes expressives sont plus exigeantes envers elles-mêmes que d’autres, qui ont des occupations plus prosaïques.
Les gens prédisposés à la dépression ont tendance à dresser des murs autour d’eux, afin de se protéger émotionnellement. Ils évitent que les autres sachent que quelque chose ne va pas, et ils font tout pour les tenir à distance. Ils commencent à apprendre comment parvenir à bien cacher leurs émotions, et ils utilisent ce mécanisme de défense contre d’éventuelles questions. En fait, ils ont l’air d’être formidablement optimistes, vifs, pleins d’entrain, mais ce comportement est assez dangereux puisque personne ne pourra détecter le moindre signe qu’ils ont besoin d’aide, ou que quelque chose ne va pas.
Ils ont aussi du mal à laisser les autres entrer dans leur vie, et ils ne veulent pas être vus en mauvaise forme. S’il y a une petite chance qu’ils laissent quelqu'un entrer, il y a en même temps de fortes chances que celui-ci n’assume pas et qu’il choisisse de s’éloigner, finalement. C’est pourquoi, une personne déprimée est convaincue qu’elle sera abandonnée dès que les autres vont s’apercevoir de sa dépression.
Bien évidemment, d’étranges habitudes alimentaires vont s’installer : il n’existe pas de milieu pour les gens en dépression, c’est soit trop, soit pas assez, d’où le changement soudain au niveau du poids. Pour ceux qui souffrent, la nourriture est un élément central parce que c'est l’un des rares aspects qu’ils contrôlent, dans un sens comme dans l’autre. Ils peuvent choisir d’ignorer leur faim, comme ils peuvent choisir de s’empiffrer de sucreries ou de friture, lesquelles vont libérer davantage de sérotonine dans le corps. La souffrance va être allégée, et l’anxiété diminuée.
De même, dormir trop ou pas assez est une caractéristique de la dépression. Le corps étant désynchronisé, le cerveau ne sait pas comment réagir et il libère trop ou pas suffisamment de mélatonine. Le sommeil est le deuxième élément important pour une bonne santé physique et mentale. Le repos est aussi un aspect dont le dépressif a le contrôle. Quand tout autour semble hors contrôle, être capable de maîtriser quelque chose dans sa vie, comme la nourriture et le sommeil, donne l’impression de détenir un minimum de pouvoir.
En revanche, il est beaucoup plus difficile de contrôler ses pensées. Les dépressifs sont envahis par leurs pensées et leurs émotions, ils réfléchissent au meilleur résultat à obtenir, mais leur esprit est forcément encombré et en désordre, au détriment de ce qui se passe effectivement dans leur vie. Un décalage s’installe donc, mais le leur faire remarquer n’arrangera rien, ils se mettront en retrait et vont dissimuler encore plus leurs problèmes.
Quand on est en dépression, on a tendance à se baser sur soi pour résoudre ses problèmes. Si l’on ne recherche pas d’aide à l’extérieur, c’est parce qu’on a besoin de sentir que l’on contrôle la situation. « Je gère ». Cette autonomie, qui peut être vue comme un bon point, est en réalité assez préjudiciable pour le psychique. Se baser sur soi-même à 100% du temps peut être fatigant, et même s’il y a une satisfaction à faire le travail tout seul, elle sera de courte durée.
Toujours prêts au pire scénario, les dépressifs ne voient pas les côtés positifs. Ils prétendront être simplement réalistes dans les attentes, mais ces attentes sont toujours négatives.
Mettre en place des routines, c’est une autre stratégie visant à entretenir le sentiment de contrôle sur sa propre vie. Des habitudes simples, comme respecter la même heure chaque jour pour une activité, peuvent être un gilet de sauvetage contre le flot des émotions qui empêchent la concentration. De même, s’engager dans une activité nouvelle, du jour au lendemain, est une manière de se concentrer sur autre chose que sur son propre état d’esprit.
Pratiquer les narratifs de vitrine, qui dissimulent la réalité, c’est aussi une stratégie dans laquelle les dépressifs peuvent devenir experts. Ils racontent des histoires sur leurs comportements, leur changement d’apparence, ou leurs cicatrices sur les bras. Ce besoin de couvrir la vérité n’est pas sans danger : les autres ne verront pas la faille, et la descente peut être très rapide.
Il faut comprendre que la dépression ne mène pas toujours au suicide. Ce qu’elle fait, c’est fausser la perception que l'on a de la vie et de la mort. L’idée de la mortalité surgit d’habitude à l’esprit dans les moments de crise ou de désespoir, mais les humeurs changeantes accentuent ce type de réflexion.
La personne qui contrôle sa dépression sera catégoriquement plus consciente qu’une autre de ce qu’il se passe dans son corps. Elle aura un niveau de connaissance des substances au-dessus de celui d’une personne moyenne. Elle sait que les sucres et la caféine sont des stimulants pour son humeur, quel médicament aura des effets indésirables, ou quels médicaments ne devront pas être mélangés avec la nourriture pour éviter une réaction adverse. C’est une responsabilité qu’elle ne peut partager avec autrui, car elle doit prendre soin de son propre esprit.
La plupart des dépressifs cherchent un but ou un sens dans leur vie. Il est vrai que cela est valable, en règle générale, pour tout un chacun, seulement, dans une dépression, le besoin est particulièrement fort de trouver quelque chose qui vaille la peine d’être réalisé, et qui donne le sentiment que l’on est dans la bonne direction. Cela est indispensable, car plus les sentiments d’inadéquation et de peur seront actifs, plus le besoin de validation et de confirmation dans toute activité sera important. C’est aussi une manière d’essayer de se rendre heureux, ou au moins satisfait, sans avoir à demander de l’aide aux autres.
Les dépressifs cherchent aussi l’amour et l’acceptation de ceux qui les entourent. Parfois, ils se forceront à être sociables pour plaire aux autres, à être agréables pour que les autres les voient comme des amis. Mais les démons intérieurs sont là. Ils savent que tout le monde n’est pas équipé pour gérer l’apparence désagréable d’une tête déprimée, et donc ils font en sorte d’éviter de mettre l’autre mal à l’aise. Ils ne sont pas malhonnêtes, mais ils essayent de donner la meilleure version possible d’eux-mêmes.
Néanmoins, il y a les appels à l’aide sous-entendus. Il est partiellement vrai que les dépressifs préfèrent être seuls et éviter de parler. En général, ils repoussent les autres, mais parfois gérer tout seuls leur dépression demande énormément d’efforts. Les rares moments où ils peuvent choisir de s’ouvrir et de parler de leur situation sont des moments d’appel au secours, et il faudrait les rejoindre à mi-chemin et ne pas réagir avec colère, sinon ils se mettront en retrait et ne reparleront plus.
L’une des habitudes les plus communes des gens en dépression est donc l’évitement : éviter des gens, des lieux, des rendez-vous, ne plus avoir à faire avec ce qui affecte leur vie, qu’il s’agisse de factures à régler ou de personnes. La dépression est un monstre cruel qui ruine vite la vie. Quand ils évitent des activités courantes et des gens, la situation leur devient plus supportable car ils ne sont pas obligés de prétendre que tout va bien pour eux. Quand ils ne supportent plus rien, ils peuvent dormir toute la journée. Des comportements compulsifs s’installent : prendre plusieurs douches dans la journée, tirer sur ses cheveux..
La dernière chose que les gens en dépression souhaitent, c’est parler d’eux. Ils ne veulent pas laisser voir aux autres que leur vie est moins parfaite, tout comme ils ne veulent pas être jugés sur leur comportement ou parce qu'ils ne cherchent pas d'aide. C’est pourquoi ils dirigent la conversation ailleurs, sur d’autres personnes. Ils préfèrent écouter activement les vies des gens, plutôt que contempler la leur et constater à quel point elle est fausse. Et quand ils sont amenés à mettre leurs sentiments en paroles, tout ce qu’ils espèrent, c’est qu’on ne les juge pas.
Les gens qui vivent avec la dépression ont tendance à avoir une basse estime de soi, ils se voient au-dessous des autres, ils ne se considèrent pas dignes de leur attention. Dans une conversation, ils ont du mal à garder le contact des yeux, ils regardent autour ou à terre, une manière d’être à distance de leur interlocuteur.
Gérer une dépression est, en somme, une expérience fatigante. Parfois, on réagit de façon excessive. Ces éclats soudains sont le signe que quelque chose ne va pas du tout et que l’on est dépassé, et c’est beaucoup plus que de la mauvaise humeur. Celui qui s’efforce de gérer sa dépression peut aussi disparaître pendant de longues périodes. Il choisit de se retirer pour quelque temps, soit en restant chez soi, soit en voyageant, sans le dire à personne. Faire une pause de tout, pour éviter de craquer.
Un coup discret à la porte l’arracha à ses réflexions. Son premier rendez-vous était arrivé, son premier « patient, son premier « client ». Les deux termes le gênaient autant l’un que l’autre. C’étaient simplement des « êtres humains », des personnes qui allaient mal et qu’il tentait d’aider. Mais en vertu de quoi avait-il le droit de vendre aux autres des conseils sur la manière dont ils devaient gérer leur vie, les sentiments qu’ils devaient éprouver ou encore les pensées qu’ils pouvaient s’autoriser ? En vertu de quelques brèves années passées à lire des livres et à analyser des théories concoctées par des individus qui avaient eux-mêmes une vie personnelle désastreuse ?
Tout cela était absurde. Il entendit un second coup, se leva, s’ébroua et convoqua sur son visage l’expression d’intellectuel pétri de connaissances, de sérénité et de sagesse. Il ouvrit la porte, exhiba son sourire engageant et plongea dans le destin de l’autre.
(Arni THORARINSSON, Le Crime. Histoire d’amour, 2013, trad.fr. Ed. Métailié, 2016)
P-S. Je vous le dis, quand même : à la fin du livre, le psy se suicide..
Bien entendu, vous pouvez relire des notes associées au sujet, en tapant le mot "dépression" dans la case Rechercher, colonne gauche.
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Suggestion musicale pour une méditation pleine conscience:
https://www.facebook.com/soundslikeklaws/posts/10157731969644813?hc_location=ufi
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