Traumatisme et résilience
01/10/2023
(Photo- Nice. Lever de soleil)
Le psychiatre Boris Cyrulnik explique qu’après un trauma, on est coupé en deux, c’est-à-dire qu’on est clivé. Il y a une partie de nous qui parle facilement, qui s’exprime, qui travaille, qui rigole, et une autre partie qui souffre en secret. On croit que le problème est réglé, alors qu’en fait il est enfoui.
Invitée dans l’émission La Grande Librairie, l’écrivain belge Amélie Nothomb parle de son récent livre Psychopompe, où elle évoque, dans une page glaçante, un épisode biographique traumatisant: le viol collectif qu’elle avait subi sur une plage au Bangladesh, à 12 ans. Comment est-elle parvenue à l’écrire ? Elle répond que c’était indispensable.
"Psychopompe", il est question de quelqu'un qui s’approche autant que possible de la mort et qui en revient. C’est de la résilience. Encore faut-il s’approcher autant que possible de la mort. Ma manière à moi d’avoir approché cette mort, ça a été cette agression. Donc je ne peux pas raconter l’expérience Psychopompe en omettant cet épisode qui de fait a failli m’emporter. Ca m’a plongée dans une totale irréalité. Ce qui s’est passé était tellement fou, je ne voyais pas les agresseurs, quand je suis sortie de l’eau, heureusement que ma mère a prononcé deux paroles pour commenter ce qu’elle avait vu, parce que sinon j’aurais réellement pensé avoir déliré, avoir inventé cet épisode monstrueux.
L’écriture m’a sauvée. Je pense qu’on a tous un danger intérieur, qui est très difficile à identifier, peut-être pas le même pour tous. Je ne sais pas au juste quel est mon danger intérieur, mais je sais qu’il est très important de m’en sauver.
« Dans quelle mesure cet événement a déterminé l’écrivain que vous êtes ? » demande l’animateur de l’émission.
Comment on se sauve d’un truc pareil ? Y a pas moyen. Alors moi, par la suite, j’ai poussé l’expérience de recherche de la mort, mais presque jusqu’à son terme. J’ai cessé de m’alimenter, je suis devenue anorexique au finish, et j’ai réellement failli mourir. Bon, à la dernière seconde, j’en suis revenue. Encore fallait-il se reconstruire. J’ai commencé à écrire à ce moment-là, sans savoir le moins du monde ce que je faisais, et sans savoir qu’il y avait là une possibilité de reconstruction. Ce n’est pas de la magie. Il a fallu des années et des années d’écriture pour qu’il y ait une reconstruction.
« Aujourd’hui, vous vous sentez vivante ? »
« Oh oui, vraiment. Vraiment aujourd’hui, je me sens vivante. »
Quelques extraits du livre dans ce document PDF.
Référence
Amélie NOTHOMB, Psychopompe, Editions Albin Michel, 2023
Archives
http://www.cefro.pro/archive/2015/09/22/la-memoire-2-5688... (sur les blessures émotionnelles)
http://www.cefro.pro/archive/2017/07/17/le-tspt.html
http://www.cefro.pro/archive/2021/04/26/une-pathologie-de...
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