Les petits ajustements qui peuvent aider
01/02/2024
(Photo- Lumière d'hiver)
Pour changer quelque chose dans notre vie, il faut s’y prendre avec méthode, nous explique un spécialiste des sciences du comportement à l’université de Stanford. Et cette méthode est celle des Petites Habitudes (Tiny Habits). En lisant ce livre qui donne beaucoup d’exemples concrets pour illustrer la méthode et les techniques, nous découvrons aussi, comme Monsieur Jourdain, que, lorsque nous parlons, c’est de la prose, depuis toujours. Néanmoins, connaître le mécanisme de nos comportements, cela peut aider notre réflexion, notre action. Nous sortons du mode pilote automatique et nous modifions consciemment, volontairement, quelque chose, en vue d’un mieux-être. Il faut donc savoir déchiffrer nos désirs et considérer nos erreurs comme des découvertes pour aller plus loin.
Il est évident que s’informer ne suffit pas à changer un comportement, si nous voulons le changer. Il faut avoir une révélation (parfois), changer son environnement ou modifier légèrement ses habitudes. En effet, il suffit de peu de chose, une modification infime peut faire la différence, et c’est ce que ce livre explique. « L’essence des Petites Habitudes est la suivante : trouvez un comportement qui vous plaît, rapetissez-le, trouvez sa place naturelle dans votre vie, et laissez-le pousser. Si vous voulez faire des changements à long terme, mieux vaut commencer petit. » Ce modèle comportemental fonctionne également pour se défaire d’une habitude, non seulement pour former une nouvelle, il sert à comprendre tous les comportements, puisque nous serons capables d’analyser nos actions et celles des autres.
Dans un premier temps, il s’impose de faire la différence entre motivation et volonté, et discerner quelle est leur place dans notre comportement. Un aspect essentiel à prendre en compte, c’est que les gens changent mieux en se sentant bien, pas en se sentant mal. Donc, en réalisant de petits changements, on apprend à célébrer toutes ses réussites, aussi minuscules soient-elles, la célébration étant une étape après l’ancrage d’une petite bonne habitude. Trois variables régissent nos comportements : la motivation, l’aptitude, l’impulsion. Le comportement se produit quand les trois convergent au même moment (C=MAI). Les trois ne sont pas les mêmes selon les situations et les personnes, les cultures, les tranches d’âge. Il est important de savoir aussi que plus une tâche est facile à faire, plus nous aurons de chance d’en faire une habitude, c’est pourquoi il faut commencer petit. De très petits pas. La motivation et l’aptitude travaillent main dans la main, nous avons beau avoir de la motivation si l’aptitude nous manque totalement. Il faut avoir les deux, pas forcément dans la même quantité, elles se compensent. Dans le même temps, aucun comportement n’arrive sans impulsion, s’il n’existe pas une impulsion, la motivation et l’aptitude ne suffisent pas pour que nous passions à l’action.
Pour avoir de la motivation, il faudra trouver ce qui nous correspond. Mais ce n’est pas la motivation qui est le moteur principal du changement, car elle est capricieuse, fluctuante. Elle est liée au désir d’accomplir une action spécifique ou un comportement plus général. Elle peut venir de l’intérieur, quand la personne a envie d’accomplir quelque chose, elle peut provenir d’un avantage ou d’une punition associés à un comportement, ou elle peut venir du contexte dans lequel nous nous trouvons (notre situation actuelle). La motivation vers un but abstrait ne donne pas de bons résultats. « Vous ne pouvez pas atteindre un but ou une aspiration simplement via un taux de motivation élevé, car c’est la composante la moins prévisible et la moins fiable des trois qui constituent le modèle comportemental. (…) Il faut se montrer plus rusé que la motivation. »
C’est pourquoi, il faut respecter quelques étapes : clarifier ses aspirations, explorer les options comportementales (choisir une aspiration et trouver quelques exemples de comportements qui pourraient nous aider à la réaliser), choisir des comportements spécifiques adaptés (nous avons la motivation de l’adopter et nous avons aussi l’aptitude).
Avancer à petits pas est une méthode efficace et durable. Il faut concevoir des comportements simples, en sachant que plus ils sont faciles, mieux ils sont intégrés, c’est la simplicité qui créent les comportements. Mais il faut créer des habitudes en fonction des aptitudes. Pour effectuer une tâche, la motivation et l’aptitude doivent être présentes en quantité suffisante, mais dans cette équation, la motivation n’est pas une composante fiable, elle est fluctuante, tandis que l’aptitude l’est. Voici les facteurs d’aptitude : si nous avons assez de temps pour faire l’action, assez d’argent pour faire l’action, si nous sommes physiquement capables d’effectuer l’action, si l’action demande beaucoup d’énergie mentale ou créative, si l’action coïncide avec notre routine ou nous devons faire des ajustements.
Les impulsions sont les moteurs invisibles de notre vie, nous répondons aux impulsions si nous sommes aptes et motivés pour agir. Aucune action ne peut se produire sans impulsion, quels que soient les degrés d’aptitude et de motivation. Il faut trouver une bonne impulsion pour agir. Concevoir une impulsion est une compétence qui s’acquiert et se travaille. Il existe trois sortes d’impulsions dans notre vie : celles liées à la personne (qui reposent sur quelque chose à l’intérieur de nous qui nous pousse à agir), celles liées au contexte (un élément de notre environnement qui nous pousse à agir), et celles liées à l’action (c’est un comportement que nous faisons déjà et qui nous rappelle de faire une autre action que nous voulons prendre comme habitude, c’est-à-dire nous ajoutons une nouvelle habitude à une routine, ce que l’auteur appelle « les points d’ancrage »).
Les émotions engendrent les habitudes. Les expériences positives renforcent les habitudes, d’où l’importance de célébrer une réussite, car on active la partie du cerveau qui gère la récompense. Les sensations agréables entraînent la production de dopamine (le neurotransmetteur qui contrôle le système de récompense) et nous rappellent les comportements qui nous font nous sentir bien afin de les reproduire. C’est à l’aide de la dopamine que le cerveau encode la relation de cause à effet, ce qui crée des attentes pour l’avenir. Nous pouvons aussi pirater ce système de récompense, en créant un événement dans notre tête (« erreur de prédiction de la récompense »), une manière de surprendre notre cerveau qui s’attend au même schéma. Les habitudes peuvent se former très vite à partir du moment où nous ressentons des émotions positives fortes en lien avec un nouveau comportement. Une fois la nouvelle habitude positive installée, il n’est pas nécessaire de la célébrer à chaque fois, puisqu'elle est devenue automatique, mais il faut préserver ses racines. Cela veut dire qu’il faut cultiver ses habitudes et aller d’un changement minuscule à profond. Il existe deux catégories d’habitudes : celles qui grandissent (qui augmentent en intensité) et celles qui prolifèrent (nous avons mis en place un rituel qui va nous aider à incorporer d’autres bonnes habitudes, par exemple nous nous réveillons avec la pensée d’avoir une très bonne journée, et cette pensée va proliférer et entraîner des répercussions positives).
Et c’est là qu’intervient la dynamique de la croissance : la réussite entraîne la réussite. Quand nous ressentons une impression de réussite, même minuscule, notre confiance en nous augmente très vite et notre niveau de motivation s’accroît afin que nous recommencions la tâche en question, et d’autres qui lui sont liées. N’oublions pas les deux vecteurs contradictoires qui forment notre niveau de motivation globale: l’espoir et la peur. Chacun gère à sa manière le facteur démotivant qu’est la peur, en règle générale en atténuant l’angoisse (mais il faut essayer autre chose que l’alcool, etc.). Changer un comportement et prendre de nouvelles habitudes n’est pas un processus magique et mystérieux, mais cela fonctionne comme un système derrière lequel il existe des compétences, les compétences du changement, que nous pouvons acquérir et développer, comme toute autre compétence : la création comportementale (choisir et ajuster les habitudes que nous voulons prendre), la connaissance de soi (savoir quelles habitudes seront importantes pour nous), le traitement de l’information (nos habitudes changent, nous changeons et aussi le monde autour de nous, donc il faut traiter ces informations), la mentalité (notre approche et notre attitude face au changement, ainsi que notre perception et notre interprétation du monde qui nous entoure).
Pour se défaire d’une mauvaise habitude, nous adopterons la même approche systémique : nous nous concentrons sur la création de nouvelles habitudes, nous trouvons comment nous défaire d’une habitude (en nous focalisant sur l’impulsion et en la supprimant ou en l’évitant –par exemple, de petites astuces pour diminuer l’exposition aux écrans), nous redéfinissons l’aptitude (en rendant l’habitude indésirable plus difficile et en brisant un élément de la chaîne d’aptitude qui comprend le temps, l’argent, l’effort physique, l’effort mental, la routine).
Le changement, dans le sens positif d’un mieux-être, n’est pas seulement individuel, mais il peut concerner le groupe, la collectivité. Si nous mettons en pratique la conception comportementale des Petites Habitudes, nous pouvons devenir une influence positive sur la vie d’autrui. Car à tout moment, sans nous en rendre compte, nous influons sur le comportement d’autrui. Dans le livre, le dernier chapitre est consacré à l’éthique du changement collectif. Et là aussi, ce sont les habitudes qui sont les plus importantes, même si elles semblent être les plus petits éléments du changement.
« La qualité de notre vie sur Terre dépend des choix que nous faisons tous les jours ; des choix concernant la façon dont on passe notre temps, comment on vit notre vie, et surtout comment on se traite les uns les autres. Je suis triste de voir à quel point les gens sont aujourd'hui devenus plus amers, divisés et dépassés que jamais. Nous sommes, à l’échelle globale, de plus en plus déconnectés de nous-mêmes et des autres. La première étape pour nous guérir, c’est d’accepter qu’on veuille aller mieux. Les habitudes sont un moyen d’atteindre ce but. »
Références
BJ FOGG PhD, La méthode des Petites Habitudes (Tiny Habits, 2019), Editions Le cherche midi, 2022
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