(Photo Nice: Le grand tilleul)
La révolution technologique que nous sommes en train de vivre consiste aussi à poser à la société des questions sur la condition biologique et sociale de l’homme, et à permettre des transformations dont le but serait d’améliorer ou d’augmenter l’humain. Le transhumanisme est une nouvelle idéologie née aux Etats-Unis. Elle est soutenue par les quatre entreprises géantes Google, Apple, Facebook, Amazon (les GAFA) qui investissent des fortunes colossales dans des projets plus ou moins futuristes. « Ceux qui décident de rester humains et refusent de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur », remarque le professeur de cybernétique Kevin Warwick. Lors d’une conférence à Vancouver en 2014, le chef de file du mouvement transhumaniste, Raymond Kurzweil, affirmait que l’homme pourra télécharger son cerveau dans un ordinateur environ en 2030. Il sera donc possible d’augmenter les capacités de l’homme et de le faire vivre le plus longtemps possible en bonne santé, avec l’aide des nouvelles technologies, des prothèses, des organes artificiels, de la thérapie génique. Telle une autre évangélisation, le transhumanisme se propage –en France il existe depuis peu (octobre 2015) une association (AFT-Technoprog) et un partenariat entre l’Université de la singularité, le Télécom Paris Tech et le Crédit Agricole dont l’objectif est de recruter l’élite et de la former aux nouvelles technologies (après la France, l’Afrique francophone).
Les révolutions économiques, scientifiques et médicales qui se déroulent sous nos yeux s’accompagnent de bouleversements spirituels, éthiques, métaphysiques, et le débat devient passionnant et passionné. Le livre Les premières victimes du transhumanisme attire l'attention sur le business de l’eugénisme. Le livre de Luc Ferry La révolution transhumaniste (qui peut être feuilleté en Edition format Kindle) cherche à faire comprendre les perspectives ouvertes par les innovations technoscientifiques, dont certaines « sont enthousiasmantes, d’autres effrayantes », et « à réhabiliter l’idéal philosophique de la régulation, une notion désormais vitale, tant du côté de la médecine que de l’économie ».
La recherche génétique ouvre des perspectives que l’on n’imaginait pas. On a découvert, depuis quelques années, les racines de la violence et des comportements psychopathes dans la déficience d’un enzyme sur « le gène du guerrier ». On sait aujourd'hui que, tout comme la maladie mentale, l’alcoolisme a des causes à plus de 50% d'origine génétique. Les gènes influencent le comportement, mais ils ne le gouvernent pas et ne le déterminent pas. Le gène qui augmente le risque d’alcoolisme est une condition associée à la faiblesse de caractère. Les facteurs environnementaux -société, économie, éducation- restent la plus importante prédiction des pathologies de comportement à l’âge adulte. La thérapie génique promet le rajeunissement. Certains chercheurs affirment que le vieillissement est une maladie, et non un processus naturel. Les cellules du corps ressemblent à un ordinateur, et celui-ci peut être endommagé à toute étape de la vie. Des causes génétiques, donc de programmation, mènent à des symptômes de vieillissement et nous tuent. Le secret consisterait à rallonger les télomères. Il paraît que la méditation aussi peut avoir cet effet..
Il est difficile de croire à la suprématie absolue de l’intelligence artificielle, en tout cas, le projet qui porte sur la longévité en bonne santé est une ambition humaine honorable. A condition que tous les garde-fous nécessaires - éthique, justice sociale, etc. - soient là, afin d’éviter tout dérapage.. Les remarques de Wittgenstein sur les machines qui pensent garderont toujours leur vérité simple et profonde. « …cela n’a pas de sens d’attribuer de la volonté ou de la passion, du désir et de la souffrance à une machine. Ce sont des aptitudes propres aux êtres animés, aux êtres qui ont un corps -mais les machines n’ont pas de corps ; aux êtres qui n’ont pas de fin intrinsèque mais adoptent des fins qui leur sont propres ; aux êtres qui, à l’inverse des machines, s’assignent leurs propres buts, ont des préférences, aiment ou n’aiment pas, sont heureux d’atteindre leur but ou tristes d’échouer. Ce sont là des capacités propres aux êtres qui ont un bien en vue, qui peuvent s’épanouir ou se flétrir, qui connaissent le bien-être. Les événements peuvent affecter l’état d’une machine, être bons ou mauvais pour elle; mais ils ne peuvent affecter le bien-être de la machine, car elle n’en a pas. Ce qui est animé ne peut être bien ni faire bien. Ce qui n’est pas vivant ne connaît pas le bien-être. Penser est un phénomène de la vie. On en trouve des manifestations infinies dans diverses sortes de comportements tout au long de la vie. Ses formes sont les aspects que prend une forme de vie, une culture. Nous ne devons pas craindre que nos machines nous dépossèdent de la pensée –mais peut-être avoir peur qu’elles ne nous incitent à cesser de penser par nous-mêmes. Ce qui leur manque, ce n’est pas la puissance de calcul, c’est l’animalité. Le désir et la souffrance, l’espoir et la frustration sont les racines de la pensée, pas le calcul mécanique. » (Wittgenstein, Edition du Seuil, 2000)
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