11/11/2017
Le cerveau de neurones et le cerveau de silicium
(Photo- Le miroir d'eau, Nice)
L’intelligence artificielle ne devrait pas être considérée comme une mode, mais prise très au sérieux parce qu’elle va bouleverser le monde du travail et l’économie dans son ensemble. Il faudra repenser entièrement le système de formation. L’école dans le monde forme les enfants à des métiers où ils vont être laminés majoritairement par l’intelligence artificielle, alors qu’il faudra les former à aller là où l’intelligence artificielle ne peut pas aller –explique Laurent Alexandre, chirurgien et neurobiologiste, spécialiste des nouvelles technologies, auteur de plusieurs livres sur le sujet (dont le tout récent est La Guerre des Intelligences) et que l’on peut entendre également dans des entretiens à la radio ou dans la presse. Si le système éducatif n’évolue pas très vite, les progrès de l’IA vont creuser les inégalités sociales. Le risque à long terme consistant en une intelligence artificielle qui tuerait l’humanité semble céder la priorité à un problème immédiat: l’augmentation des écarts sociaux si les gens ne sont pas préparés pour résister à l’IA. « Comme l’IA va être quasi gratuite et va faire de mieux en mieux les tâches humaines, nous risquons d’être dans une société où seuls les gens très intelligents, très innovants, très doués pourront trouver du travail. L’école aujourd’hui ne prépare pas les enfants, notamment des milieux défavorisés, à résister à l’IA. »
Il faudra dé-professionnaliser, surtout tout ce qui est technique et qui va être remplacé par l’intelligence artificielle. En 2030, un comptable n’aura pas sa place, il sera remplacé par des logiciels performants et puissants. De même, les chauffeurs routiers avec des camions qui sauront conduire seuls dans les vingt prochaines années. Tout ce qui fait partie des « savoirs techniques » va poser un problème. A ce jour, on forme les enfants à des métiers qui ne leur permettront pas d’être compétitifs face à l’intelligence artificielle, alors qu’on devrait les éloigner des secteurs où l’IA sera forte. Dans le futur, il faudra miser sur les humanités, l’esprit critique, tout ce qui est multidisciplinaire. L’Intelligence artificielle ne sait pas faire du « transfer learning » (utiliser un savoir pour faire autre chose), analyser transversalement un sujet. Il faudrait donner aux enfants des savoir-faire transversaux, de la multidisciplinarité, des objets à lire, leur apprendre à travailler en groupe. « Il faudrait mettre des Montessori à la place des ZEP. Une bonne partie des patrons de la Silicon Valley ont été formés dans des écoles Montessori. »
L’IA va laminer des professions. « Aux Etats-Unis, le chauffeur-livreur-camionneur représente plus de 3 millions de personnes. La reconversion d’un camionneur de 50 ans n’ayant pas de culture générale, ne sachant rien faire d’autre, qui a quitté l’école à 16 ans, ne va pas être une mince affaire. On ne va pas reconvertir les 3 millions de chauffeurs américains d’un claquement de doigts. La reconversion des comptables ne va pas être simple non plus. Une minorité d’entre eux deviendront experts-comptables, et les autres ? Il existe des logiciels d’IA qui remplacent intégralement un comptable. La radiologie sera faite par l’IA dans pas longtemps, mais je n’ai aucun souci pour les radiologues qui sont Bac +10, je suis plus inquiet pour les camionneurs » - dit le scientifique.
« La révolution NBIC [Neurotechnologies, Biotechnologies, Internet, Sciences Cognitives] n’est pas juste une révolution de plus. Elle comporte trois différences avec la vague technologique de 1870-1910. D’abord, la France de la Belle Epoque était en pointe. Elle dictait au monde le rythme du changement. Aujourd’hui elle passe à côté des NBIC. »
« Nous sommes au pied du mur, ou plutôt au pied d’une croissance explosive et vertigineuse de nos capacités technologiques (…) Rester dans l’ignorance et le déni est le meilleur moyen d’aboutir au pire des scénarios (…) Celui d’un monde inégalitaire ou seuls les meilleurs sortiraient vainqueurs, laissant la multitude à la merci d’une neurodictature. »
« L’IA n’est plus un choix, mais le sens de l’Histoire. »
« Nous vivons la période la plus enthousiasmante, exaltante, fascinante et vertigineuse que l’humanité ait connue. Des chantiers inimaginables s’ouvrent : conquêtes de l’espace, recul de la mort, maîtrise de notre cerveau, transmission de pensée, manipulation du vivant. »
« L’aristocratie de l’intelligence n’est pas acceptable parce que la passion de l’égalité qui caractérise nos démocraties occidentales rendra la croissance des inégalités de QI insupportable. »
Nous avons réalisé une sélection d’extraits de l’ouvrage « La guerre des Intelligences » sous forme de document PDF, que vous pourrez lire ici. L’ouvrage nous a semblé intéressant parce qu’il présente le point de vue d’un scientifique français, qui se rapporte aussi au système éducatif et de formation existant en France. L’écart entre les Etats-Unis (les pays anglosaxons) et d’autres pays occidentaux dans les domaines de la recherche risque de devenir encore plus visible dans les années à venir. Les autres pays européens, ceux qui sont sortis du totalitarisme communiste après 1989, resteront vraisemblablement à la traîne, comme des pays du tiers monde. Dans l’UE, il y aura des sociétés à plusieurs vitesses -c’est déjà le cas.
Voici également d’autres notes qui parlent de l’Intelligence: Les technosciences et l’homme amélioré; Possibilités de l’intelligences; Définir l’intelligence .