01/05/2018
Neurosciences, management, bouddhisme
(Photo Nice- Jardin Albert Ier)
Avec les neurosciences et les sciences cognitives, un nouveau type de société semble prendre forme : celle de l’individu capable, qui dépasse ses limites, qui augmente sa propre valeur par le travail et l’échange, dans l’action. Dans cette société de l’autonomie, c’est le potentiel caché qui confère de la valeur à l’individualisme : tout devient possible, l’individu pourra transformer ses handicaps en atout par une création qui augmente sa valeur en tant que personne. Ainsi que le prouve l’explosion de recherches en la matière, les neurosciences sont devenues profondément sociales. Le cerveau humain est l’objet le plus complexe, l’organe le plus élaboré et le plus abouti dans l’évolution des espèces, il est aussi un système évolutif en constante transformation dont la principale fonction est l’anticipation ou la reconnaissance, un simulateur d’action, un générateur d’hypothèses dont la propriété principale est la décision. Le cerveau est beaucoup plus en relation avec le reste du corps qu’avec le monde extérieur, et le comportement, qui inclut les pensées, les émotions et les actions, est principalement conditionné par les mécanismes cérébraux. Une nouvelle articulation se met en place entre les neurosciences et les psychologies comportementales et cognitives (ou sciences comportementales) pour expliquer non seulement les pathologies et la souffrance psychique, mais également les questions liées au bien-être et à l’amélioration de performances individuelles.
Depuis quelques dizaines d’années, un dialogue s’est instauré entre les sciences du cerveau et le bouddhisme, des études montrant les bienfaits des techniques de méditation. Le lien entre le cerveau et l’esprit (ou la psyché) a toujours fasciné les hommes, tout en demeurant entouré d’un voile de mystère, et les recherches contemporaines sur la conscience - son origine, le lieu où elle se situe, son évolution – ne font que le confirmer. Même si l’étude de l’esprit a débuté dès l’Antiquité, lorsque la psychologie s’est détachée de la philosophie, ce n’est que depuis quelques dizaines d’années que les sciences du cerveau ont pris leur essor, grâce à la progression des imageries médicales et des explorations fonctionnelles. Si le XXe siècle est le siècle de la génétique, le XXIe est le siècle des neurosciences (et de l’Intelligence Artificielle). L’esprit occupera donc une place centrale dans les préoccupations humaines. Le rapprochement entre le bouddhisme et les neurosciences a commencé en 1987, avec la création de l’Institut Mind and Life, sous l’impulsion d’Adam Engle, avocat et entrepreneur américain, et de Francesco Varela, chercheur en sciences cognitives franco-chilien, pratiquant bouddhiste. Bien que les études neuroscientifiques sur la méditation soient encore des études préliminaires, on sait déjà que l’empathie et la compassion, et d’autres qualités, la patience, la bienveillance, l’attention, etc., peuvent être cultivées et développées par la méditation. Des expériences ont montré qu’il existe une corrélation nette entre les techniques de méditation et l’activation de la zone de l’amygdale, responsable des émotions surtout négatives (l’anxiété, le stress..) : plus on pratique la méditation, moins notre amygdale est activée, à savoir le déclenchement des émotions négatives. De nouvelles découvertes sur l’activité cérébrale au niveau des fonctions supérieures vont voir le jour, la méditation pourra être confirmée comme méthode thérapeutique dans certains troubles mentaux, mais aussi comme une méthode séculière d’entraînement mental naturel, universel et accessible à tous ceux qui aspirent à une vie épanouie. Cela à partir du moment où l’on comprend que la souffrance et le bonheur dépendent du mental, ou de l’esprit-cerveau, dont les ressources sont immenses, et qu’il suffit de les découvrir et d’en prendre soin.
A long terme, puisque les sciences ne cessent de progresser et d’étendre leur influence dans le monde, le bouddhisme deviendra peut-être une spiritualité séculière. L’Occident est en train de l’intégrer et de l’adapter à sa propre culture d’entreprise, et les résultats sont encourageants. « Quand nous ne pouvons plus changer une situation, nous sommes appelés à changer nous-mêmes » (Victor Frankl). Le management du XXIe comprend que la qualité et la performance d’une entreprise se nourrissent de la réalisation intérieure des personnes qui y travaillent. De là, la nécessité d’un management plus respectueux des valeurs humaines profondes, d’un travail en équipe où chaque collaborateur donne du sens à ses tâches spécifiques et à l’ensemble. Le manager doit être un leader capable de développer le potentiel chez ses collaborateurs, car les hommes et leurs ressources restent le vrai moteur de l’entreprise. Quelques principes simples sont à la base du management d’inspiration bouddhiste (et il existe une très riche documentation en ce sens) : il doit repenser le principe d’autorité, car l’ego et la volonté de domination transforment le monde du travail en espace de peurs, de mesquineries et de souffrance ; il doit envisager un dialogue fait d’écoute et de mise en confiance, condition pour le plaisir d’avancer ensemble ; il doit veiller à des règles commerciales et environnementales de haute qualité éthique ; il doit suivre la règle des 3R : respect de soi, respect des autres, responsabilité de ses propres actions.
Une étude menée en 2013 par des chercheurs de Harvard auprès de 3000 chefs d’entreprise montre que les esprits novateurs disposent d’une meilleure capacité d’association entre des idées et des expériences de vie sans rapport initial les unes avec les autres. Plus leurs expériences sont diversifiées, plus leur cerveau établit des connexions. Pour Steve Jobs, par exemple, le voyage était une source de créativité. Néanmoins, un esprit positif, prêt à répondre aux défis, à convertir un échec en leçon pour rebondir, cela se construit, et surtout cela fait partie d’une culture. Aux Etats-Unis, l’échec entrepreneurial n’est pas vu comme une tare, tout comme la mobilité professionnelle n’est pas vue comme une preuve d’instabilité. C’est vu comme un atout, un gage de maturité d’esprit. Cela arrive à tout le monde de se tromper de voie, mais la vraie réussite est de savoir se relever après une épreuve et de continuer. Dans notre monde actuel, les compagnies aussi se comportent comme les personnes : elles sont responsables dans les rapports avec les personnes, elles sont évaluées, elles font des erreurs et elles s’en excusent, ou elles font quelque chose d’extraordinaire (tout se sait très vite, les gens twittent, racontent sur les blogs). Les auteurs de l’ouvrage « The Human Brand : How We Relate to People, Products and Companies » expliquent que nous avons tendance à nous rapporter aux entreprises comme nous nous rapportons à une personne. Lorsque nous rencontrons une personne, de manière subconsciente, nous l’évaluons en quelques secondes : si elle est un ami ou un ennemi, si elle partage ou non nos intérêts, si elle est digne de confiance, si elle est amicale. Les gens veulent savoir exactement les mêmes choses à propos d’une compagnie : si ses intérêts servent la société ou uniquement son propre profit, si elle est compétente ou non. Dans le vieux temps, on faisait des affaires avec des personnes, et le visage était le premier logo. Les gens se rapportaient aux personnes avec qui ils traitaient dans un cadre fait de compétence chaleureuse.
L’erreur et le sentiment de culpabilité qu’elle produit font partie des jugements négatifs que nous portons sur nos actions ou sur les événements. L’attitude que nous développons face à l’erreur est essentielle dans notre vie au quotidien, dans nos relations interpersonnelles au travail, parce qu’elle est à la base de la confiance et de l’estime de soi. La culpabilité joue un rôle non négligeable dans la culture occidentale car elle est indissociable du pardon, qui valide la faute.. Dans une perspective bouddhiste, la réflexion et l’entraînement à la méditation peuvent nous aider à clarifier ces rapports et à retrouver nos ressources. Le livre « Et si l’erreur était fertile ? Un autre regard sur la culpabilité » nous donne quelques pistes pour un meilleur discernement et un meilleur fonctionnement personnel. Voici un choix d’extraits dans ce document PDF. [N.B. La sélection et la mise en page nous appartiennent, le livre ne se trouve pas en librairie, mais il peut être commandé en ligne -Fnac, Amazon..].
Bien évidemment, utiliser des méthodes et des techniques d’inspiration bouddhiste dans la gestion des émotions, au sens large, n’implique pas nécessairement l’adhésion au concept de la réincarnation (et ce malgré la logique de la loi karmique des causes et des effets, beaucoup trop subtile et complexe). Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’idée de la réincarnation soit perçue comme une vraie source d’angoisse, au même titre que l’idée de la sanction dans l’au-delà, de la contemplation, ou du néant… Et, pour preuve, l’Occident semble savoir retenir et adapter à sa culture ces éléments du bouddhisme qui l’aident à améliorer l’être humain, sans le déstabiliser, sans le couper de ses racines profondes.
Références
Les notes de CEFRO: Les idées qui font du bien; Esprit et corps/Conscience et cerveau;
La neuroplasticité; Emotions et santé; Méditation et thérapie; Notre cerveau peut tout faire;
15:22 Publié dans Archives, Blog, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Formation/Training, Livre, Management/Marketing, Public ciblé/Targets, Science | Tags : neurosciences, sciences sociales, management, bouddhisme, livre, erreur, culpabilité | Lien permanent | Commentaires (0)
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