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01/09/2018

Le sociomètre, notre jauge psychologique

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(Photo- Nice, août 2018, premier feu d'artifice depuis l'attentat terroriste du 14 juillet 2016)

Dans une approche interpersonnelle, le soi est une construction sociale façonnée au travers des échanges avec les autres. Trois courants majeurs jalonnent cette approche:

1) l’interactionnisme symbolique est basé sur l’influence du regard des autres (la personne intègre les opinions d’autrui, en faisant siennes les valeurs et les opinions d’autrui significatifs –il y a quatre autrui significatifs: les parents, les enseignants, les camarades de classe, les amis proches). Nous sommes ce que les autres pensent de notre apparence, de notre  caractère, de nos faits et gestes. Dès la première enfance, les individus se miroitent dans les yeux des autres et construisent un soi qui est congruent avec ces évaluations (chacun a son miroir qui permet à l’autre de se voir). Nos conjectures sur ces miroirs dépendent des qualités que nous attribuons à ces individus

2) l’approche additive combine les approches intrapersonnelle et interpersonnelle: l’analyse de la relation entre sa propre compétence et ses propres aspirations à être compétent. L’importance des parents pour la formation de l’Estime chez l’enfant est cruciale: l’existence de standards forts et clairs (règles et limites de comportement, avec liberté, latitude, respect à l’intérieur).

3) l’approche évolutionniste a conceptualisé l’Estime de soi en termes interindividuels, en se fondant sur les observations de la biologie évolutionniste appliquées à la psychologie: les êtres humains ont développé un mécanisme bio-psychologique qui les a conduits à éviter le rejet interpersonnel pour être acceptés par le groupe, ils ont développé une aversion au rejet et à l’abandon, ainsi qu’un système de décodage des menaces. 


Ce système psychologique, le sociomètre, leur permet de réguler les relations avec les autres personnes. La théorie évolutionniste de l’Estime de soi suggère que le système fonctionne comme une jauge psychologique qui enregistre le degré selon lequel la personne est acceptée ou rejetée par les autres.

Selon la théorie du sociomètre développée par Leary en 2004, seules les personnes qui ont établi des relations de soutien mutuel avec d’autres peuvent compter sur leur assistance en termes de partage, protection physique, soins, quand elles sont malades, blessées ou vieilles. Une personne qui ne maintient pas un niveau minimal d’acceptation sociale a un désavantage important comparée à celle qui est fortement acceptée, car les êtres humains ont un fort besoin d’acceptation et la nécessité de maintenir un minimum de relations interpersonnelles durables, significatives et positives. Le sociomètre est ainsi conçu pour nous alerter quand notre niveau d’inclusion sociale est au plus bas, ainsi que pour motiver des actions régulatrices pour restaurer un niveau d’acceptation convenable. Les recherches montrent que l’Estime de soi des personnes est plus sensible aux réactions des autres qu’à la manière dont elles se considèrent elles-mêmes. Plus les personnes reçoivent d’approbation et de support, plus haute sera leur Estime de soi. Le sociomètre se déclenche si l’évaluation relationnelle tombe en-dessous d’un seuil minimum d’acceptation sociale. Il n’existe pas un système pour maintenir l’Estime de soi en tant que telle, mais un système pour éviter l’exclusion sociale. Les échecs diminuent l’Estime de soi parce qu’ils diminuent la propre valeur relationnelle, tandis que les succès augmentent l’Estime de soi  parce qu’ils connotent une plus grande valeur relationnelle. L’Estime de soi est blessée par les échecs, la critique, le rejet, elle s’élève lorsque la personne réussit, est louangée, partage l’amour d’un autre. Mais ce qui compte c’est l’approbation (l’Estime de soi baisse même s’il y a du succès, mais qui produit la désapprobation des autres). Les personnes sont très sensibles aux indications de désamour. Leurs évaluations fluctuent lorsque le sociomètre détecte des changements dans l’évaluation relationnelle (un sociomètre insensible est celui d’une personnalité antisociale, avec une empathie détériorée, avec une faible conscience).

Le sociomètre enregistre dans l’environnement interne/externe certains indices qui signalent les circonstances avantageuse/désavantageuses, ou qui génèrent des sentiments positifs/négatifs (donc, il s’appuie sur les émotions, qui sont le système d’alerte). Les événements négatifs de la vie suscitent plus d’émotions que les événements positifs, ils génèrent plus de réactions affectives que les événements positifs, et ils produisent davantage de conséquences subjectives que les événements positifs de la même intensité. De fortes réactions d’affect négatif perdurent plus longtemps que de fortes réactions d’affect positif, car le système cognitif traite prioritairement l’information négative, selon lui, l’affect négatif pèse 2 à 3 fois plus que l’affect positif. A travers notre histoire lors de l’évolution, les organismes les plus adaptés aux circonstances désagréables ont généré une plus grande possibilité de survie face aux menaces et l’ont inscrite dans leurs gènes. En revanche, une personne qui ignore le danger se trouve en difficulté, la survie requiert une attention face au danger, et l’attention devient moins urgente face à des choses heureuses. La plupart des systèmes motivationnels répondent plus nettement aux états de manque qu’à ceux de satiété. Le système qui contrôle la soif déclenche des sentiments subjectifs de soif au moment où l'organisme devient déshydraté, mais ne pousse pas l’individu à être hydraté de manière maximale tout le temps. Ainsi en est-il pour la vie sociale.

Le système d’Estime de soi motive les comportements. Le sociomètre alerte la personne et l’aide à éviter la menace qui se profile pour qu’elle se comporte de manière adaptative. L’Estime de soi et la présentation de soi sont liées de façon réciproque. Les stratégies de présentation de soi diffèrent selon les situations et les personnes, mais des styles sont adoptés selon l’Estime de soi. Les personnes qui ont une haute Estime de soi cherchent à laisser une impression positive, donc elles sont concernées par la valorisation de l’Estime de soi, celles qui ont une basse Estime de soi cherchent à enrayer le développement des impressions négatives, donc elles sont concernées par la protection de l’Estime de soi. Selon la théorie du sociomètre, les sujets qui croient que les autres ne les valorisent pas suffisamment, ne s’offrent pas le risque de présentation de soi, qui, s’ils échouent, les dévalorisera davantage, et ils préfèrent présenter une image neutre qui leur assurera de ne pas être rejetés ou même d’être acceptés. Il existe un nombre de stratégies préventives que les personnes adoptent afin d’éviter que leur image soit endommagée, et un nombre de stratégies de présentation de soi réactives. Les événements qui affectent et détériorent l’image de soi sont inévitables dans la vie de tous les jours, il faut maximiser les affects positifs, et ne pas dire « je suis nul ». Il faut retenir que la valorisation de soi ou la protection de l’Estime de soi représentent les buts ultimes de la présentation de soi.

La théorie du sociomètre considère comme importants ces domaines dans lesquels l’individu a risqué son acceptation sociale: l’amabilité (les groupes excluent les personnes antipathiques, procédurières, peu amicales; la compétence (les groupes excluent généralement les personnes incompétentes, même dans les groupes informels, celui qui ne peut contribuer de façon significative au groupe est remis en question; l’apparence (un individu pas attirant physiquement est considéré comme un membre du groupe et un partenaire relationnel moins désirable que celui qui est physiquement attirant) ; la conduite sociale (les groupes excluent ceux qui enfreignent les normes et violent les règles, car les personnes déloyales, malhonnêtes, peu fiables déstabilisent la dynamique d’un groupe) ; le statut (l’Estime de soi sera reliée à la domination parce qu’un haut statut accroît souvent les bénéfices et la sécurité de l’appartenance.

Plusieurs arguments expérimentaux sont en faveur de la théorie du sociomètre.

1) L’Estime de soi répond fortement aux résultats d’inclusion/exclusion (des événements tels le rejet amoureux, l’expulsion de la famille ou des groupes sociaux, le chômage, l’abandon, l’exil sont généralement des expériences dévastatrices qui s’accompagnent de chutes dans l’Estime de soi; au contraire, les signes de valorisation par les autres (louange, amour, recherche par les autres, intégration dans le groupes désirés) augmentent l’Estime de soi.

2) Les événements publics (connus par les autres) ont une influence plus forte sur l’Estime de soi que les événements privés. L’Estime de soi est d’origine largement sociale et elle reflète des perceptions chargées d’émotions sur les sentiments que les autres éprouvent à notre endroit. Selon la théorie du sociomètre, les personnes ne sont pas motivées pour maintenir l’Estime de soi en tant que telle, mais motivées pour préserver, protéger et occasionnellement augmenter le degré selon lequel elles sont acceptées et valorisées par les autres personnes, donc de maintenir un degré convenable d’acceptation sociale et d’éviter le rejet social, ce qui est le but de la valorisation de soi. Donc, il faudrait considérer la valorisation de soi comme un mécanisme pour maintenir et augmenter les relations interpersonnelles. La tromperie de soi (parmi les stratégies privées de maintien de l’Estime de soi) ou l’auto-complaisance, les illusions positives, peuvent diminuer la motivation des individus à changer en vue d’augmenter leur valeur relationnelle, en plus du fait que l’individu s’absout lui-même de la responsabilité de l’échec aux yeux des autres, pour anticiper les critiques et le rejet. Mais une « marge optimale d’illusion » est acceptable car il est plus adaptatif d’adopter une conception de soi un peu plus positive que la vérité, il y a un certain degré de bénéfice psychologique. Les illusions positives de soi augmentent l’efficacité comportementale et le bien-être, donc un certain ajustement est nécessaire, car le danger c’est la perte d’illusion, non l’illusion en elle-même. Il ne faut pas une marge d’illusion trop étendue non plus, car on prend des décisions non-optimales. Les personnes puissantes sont immunisées contre les feed-back défavorables, parce que, au moment où elles deviennent plus puissantes, elles peuvent supporter davantage de flatteries, lesquelles sont susceptibles de les écarter de la marge d’illusion optimale.

 

(Adaptation d’un chapitre du cours « Développer ses compétences émotionnelles », CEFRO, Programme Education et Formation Tout au Long de la Vie/Grundtvig 2011-2015)

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