07/02/2017
Le psy
(Photo- Mimosa en février, Nice)
Mon choix de la semaine s’est porté sur deux récents livres optimistes, dont les auteurs sont tous deux psychiatres. Dans cette courte note, quelques mots à propos du premier livre -et du deuxième, dans la prochaine.
Cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy est un texte provocateur, écrit avec beaucoup d'humour. Son auteur, spécialiste des troubles polaires et dépressifs, est engagé dans un projet d'institution multidisciplinaire, regroupant psychiatres, neuropsychologues et philosophes.
Le psy et l'illustrateur se proposent de « bousculer les clichés et de dédiaboliser l’univers des psys, à la fois pour rassurer et aider ceux qui en ont peur, mais en ont peut-être besoin, et de faire sourire ceux qui en ont déjà un ». Le tout petit livre, qui s’ouvre sur une citation d’Erasme - « C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous ! » (Eloge de la folie), fait l’inventaire des cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy. « Si vous êtes un homme », « Si vous êtes une femme », « Si vous êtes un animal ». Ensuite, il expose « les dix puissantes raisons d’aller chez le psy », comment choisir son psy (« comment bien se tromper (ou pas) », et comment faire soi-même le diagnostic : « bon ou mauvais psy ?»
Voici trois parmi les dix puissantes raisons d’aller chez le psy.
« Vous êtes tout le temps malheureux et vous avez le sentiment d’être nul. Si vous avez le sentiment que vous ne valez rien, que vous êtes sans intérêt, que vous ne servez à rien, et n’avez jamais rien fait de bien, c’est, sans doute que vous êtes déprimé. Les bons conseils que l’on vous donne, du style « secoue-toi », « tu as tout pour être heureux » ou « arrête de t’écouter » sont inutiles et culpabilisants. Contrairement à ceux que vous disent ceux qui n’y connaissent rien mais qui croient tout savoir, la dépression est une vraie maladie du cerveau, pas simplement un état d’âme passager ou un manque de volonté. Vous devriez consulter plutôt que d’attendre : les choses ne vont pas s’améliorer toutes seules et une aide efficace peut vraiment vous aider à retrouver une bonne estime de vous.
Vous n’avez plus envie de rien (alors que vous avez tout). Soit vous avez réussi à atteindre l’Eveil du Bouddha et obtenu, grâce aux quatre Nobles Vérités, le pouvoir de ne plus avoir de désir, soit, et c’est plus probable, vous êtes déprimé(e) et devriez consulter. La perte des envies et du plaisir s’appelle de son doux petit nom « l’anhédonie », c’est-à-dire l’incapacité de ressentir du plaisir, laquelle entraîne une perte de motivation et une apathie. Cette capacité de ressentir du plaisir dépend d’une région spécifique du cerveau, à l’intérieur du système limbique, et d’une petite mais fondamentale molécule, la dopamine, sans laquelle on ne ressent rien.
Vous avez le sentiment d’être seul au monde, sans valeur pour qui que ce soit, sans attache affective et que vous pourriez disparaître sans que cela pose de problème à qui que ce soit, vous êtes probablement déprimé. A l’exception de la situation dans laquelle vous seriez actuellement perdu sur une île déserte au milieu de l’océan Pacifique, il y aura toujours quelqu’un pour se préoccuper de vous. Dans tous les cas, n’oubliez pas que vous demeurez très important pour l’inspecteur des impôts de votre circonscription qui compte beaucoup sur vous et ne vous laissera jamais tomber. »
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19/01/2017
Le récit, c'est la vie
(Photo-Paul Klee, Fleurs dans la vallée)
Freud s’est intéressé à la catégorie des rêves attribués par les romanciers à leurs personnages imaginaires. Après avoir lu, en 1906, la très longue nouvelle Gradiva, fantaisie pompéienne par Wilhelm Jensen, il a publié l’analyse du récit sous le titre Le délire et les rêves dans la « Gradiva » de W.Jensen, un texte qui a fait couler beaucoup d’encre (d’ailleurs, le texte de la nouvelle et le texte psychanalytique de Freud sont toujours édités ensemble). En mettant en valeur les buts communs de la littérature et de la psychanalyse, il essaie de montrer l’importance des rêves dans la psychanalyse. Il compare la notion de refoulement à l’archéologie qui restitue le passé lors des fouilles.
A propos du héros de la nouvelle de Jensen, Freud écrit: « Une telle séparation de l’imagination d’avec la pensée raisonnante le destinait à devenir poète ou névropathe ; il était de ces êtres dont le royaume n’est pas de ce monde. Mais notre héros, Norbert Hanold, étant une pure création du romancier, nous voudrions adresser à celui-ci timidement cette question : son imagination a-t-elle été soumise à d’autres forces que le propre arbitraire de celle-ci ? » On sait que Freud a essayé de rencontrer le romancier, de le recevoir en analyse, mais Jensen s’est limité à répondre poliment à ses lettres. Entre le romancier et le psychanalyste qui mettait les bases d'une théorie sur le refoulement et les rêves, le malentendu est évident : Freud prêtait à l’auteur des intentions que celui-ci ne se reconnaissait pas, du moins consciemment. En réponse aux sollicitations insistantes du psychanalyste, Jensen tranche, dans une dernière lettre : « Non, je n’ai pas eu de sœur, ni d’une manière générale de parents consanguins. » Sa nouvelle provenait essentiellement d’une « motivation littéraire », et ses œuvres relevaient entièrement d’une « libre invention ». Evidemment, Freud ne veut pas entendre que le processus de création ne s’interprète pas comme un symptôme, et Jensen, qui n’est pas psychanalyste, ne le suivra pas sur ce terrain-là.
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04/01/2017
Les thérapies brèves (II) L'approche narrative
(Photo-Bonne année 2017!)
La thérapie narrative, qui fait partie des thérapies brèves de troisième vague, est une approche ouverte initialement développée par des travailleurs sociaux et des thérapeutes (les co-créateurs de l'approche narrative sont Michael White et David Epston). La thérapie narrative est devenue « pratiques narratives » au fur et à mesure qu’elle investissait de nouveaux champs d’action tels que le coaching en entreprise. Selon Michael White, le travail thérapeutique consiste essentiellement à redévelopper des narrations personnelles et à reconstruire l'identité. Le principe de l’approche narrative est de découvrir quelles sont les histoires qui nous constituent et de dégager celle qui domine et nous retient prisonniers dans un schéma comportemental. Ces histoires donnent du sens à ce que nous vivons. Nous les construisons à partir de nos croyances, qui proviennent de notre culture, famille, éducation, religion, et elles sont déterminantes dans notre comportement face aux difficultés et aux choix que nous faisons.
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20/12/2016
Joyeux Noël!
(Photo- Noël à Nice)
Les contes de fées, à l’origine et jusqu’au XVII e siècle, étaient destinés plutôt aux adultes qu’aux enfants. De nos jours, ils sont devenus l’objet d’études littéraires et scientifiques, des théories sont élaborées à leur sujet, et des recueils se multiplient dans tous les pays. Ces contes ont donné lieu à de nombreux essais d'interprétation et à des approches psychologiques - en particulier la psychologie des profondeurs de C.G.Jung. Les contes eux-mêmes nous fournissent des renseignements importants sur ce que cherche à manifester l'inconscient collectif et qui n'est pas exprimé dans les représentations collectives conscientes.
En France, dès 1696 Charles Perrault avait fait paraître une version de La Belle au Bois dormant dans le Mercure galant, avant de joindre ce conte à son recueil littéraire de contes folkloriques, les Contes de ma mère l’Oye parus sous le titre Histoire ou Contes du temps passé, qui ont nourri, au cours des générations, l’imagination des jeunes ou des moins jeunes. Perrault n’a pas inventé ses sujets, il les a empruntés à de vieilles légendes et à des mythes, mais il a su donner à ses récits un style classique, fait de simplicité et de rigueur, en créant ainsi le genre littéraire du conte de fées qui allait connaître un succès croissant. Le thème central de La Belle au Bois dormant remonte à une époque très ancienne et a été largement répandu. Même si un conte émigre et s’adapte dans une certaine mesure au pays où il prend racine, le thème fondamental reste intact, car il exprime un processus commun à tous les êtres humains. Du point de vue de la psychologie des profondeurs, tout rêve est une sorte de conte sorti spontanément de l’inconscient, qui, sous une forme symbolique, nous raconte une histoire chargée de sens. C’est pourquoi l’étude des contes est une excellente préparation à la compréhension de la vie onirique et de ses processus. Des thèmes tels que celui de la recherche et de la délivrance de la princesse, celui de la figure qui disparaît ou meurt pour renaître ou réapparaître se retrouvent tant dans les mythes que dans les contes et dans les légendes, et dans un grand nombre de rêves individuels.
Si nous considérons de plus près ces personnages, nous constatons que ce ne sont pas véritablement des êtres humains : la vie intérieure et subjective de la jeune fille n’est pas mentionnée ; elle naît de façon miraculeuse (ce qui est une idée universelle que l’on rencontre dans les mythes et les contes), elle grandit, s’endort, se réveille et se marie. Elle est un modèle impersonnel.Tous les personnages des contes de fées sont abstraits, ce sont des images de processus archétypiques auxquels manque le contexte humain, la vie individuelle, réelle, concrète.
14:54 Publié dans Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Cours/Courses, Littérature, Livre, Science | Tags : conte de fées, perrault, héros, psyché, c.g.jung, marie-louise von franz | Lien permanent | Commentaires (0)