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10/01/2016

La relation

DSC_1347.JPG( Photos- La mer à Antibes)

Pour les auteurs du Moyen Age, le monde est une théophanie. Alain de Lille s’exprime dans une célèbre formule : « toute créature nous est livre, image et miroir », et tous les auteurs spirituels conseillent de regarder attentivement le monde afin d’y découvrir Dieu et ses attributs, sagesse, puissance, providence et beauté. A plusieurs siècles d’intervalle, en 1934, Krishnamurti disait que le « livre de la vie », est le seul livre qui soit digne d’être « lu », les autres n’offrant que des informations de seconde main. « L’histoire de l’humanité - l’immense expérience, les peurs et les angoisses aux racines profondes, la douleur, le plaisir et toutes les croyances accumulées par l’homme depuis des millénaires -, cette histoire est en vous. Ce livre, c’est vous. »

Voici quelques extraits choisis de son Livre de la Méditation et de la Vie, sur la nature de la relation, puisque tout est relation à l’Autre.

« De toute évidence, ce n’est que dans la relation que se révèle le mécanisme de ce que je suis –ne croyez-vous pas ? Toute relation est un miroir dans lequel je me vois tel que je suis ; mais comme nous n’aimons généralement guère ce que nous sommes, nous commençons à réformer, dans un sens positif ou négatif, ce que nous percevons dans le miroir de la relation. Par exemple, je découvre, dans une relation, dans la façon dont elle se déroule, quelque chose qui ne me plaît pas. Alors je commence à changer ce que je n’aime pas, ce qui m’apparaît déplaisant. Je veux le modifier – ce qui signifie que je me suis déjà forgé un modèle de ce que je devrais être. Dès l’instant où il y a un schéma établi de ce que je que je devrais être, il n’y a aucune compréhension de ce que je suis. Dès que j’ai une image de ce que je veux être, ou de ce que je devrais être, ou ne pas être –une norme selon laquelle je veux me modifier –alors, assurément, toute compréhension de ce que je suis au moment de la relation devient impossible. Je crois qu’il est vraiment important de comprendre cela, car je crois que c’est là que nous faisons le plus souvent fausse route. Nous ne voulons pas savoir ce que nous sommes réellement à un point de la relation. Si notre seule préoccupation est le perfectionnement du moi, cela exclut toute compréhension de nous-mêmes, de ce qui est.

Toute relation est inévitablement douloureuse, ce dont notre existence quotidienne donne ample témoignage. Une relation où n’entre aucune tension cesse d’en être une, elle n’est plus qu’une drogue, un soporifique qui endort confortablement –et c’est ce qui convient le mieux à la plupart d’entre nous. Il y a conflit entre ce désir intense de réconfort et la situation effective, entre l’illusion et le fait. Si vous reconnaissez l’illusion, alors vous pouvez, en la dissipant, consacrer toute votre attention à la compréhension de la relation. Mais si vous recherchez la sécurité dans la relation, celle-ci devient un investissement de confort, un capital d’illusion –alors que c’est l’absence même de sécurité de toute relation qui en fait la grandeur. En recherchant une sécurité dans la relation, c’est la fonction même de la relation que vous entravez - attitude qui a ses propres conséquences et qui engendre ses propres malheurs.

Il ne fait aucun doute que la fonction de toute relation est de révéler l’état de notre moi tout entier. La relation est un processus de révélation et de connaissance de soi. Ce dévoilement de soi est douloureux, il exige des ajustements constants, une souplesse permanente de notre système intellectuel et émotionnel. C’est une lutte difficile, avec des périodes de paix lumineuse…mais en général nous cherchons à éviter ou éliminer la tension dans la relation, lui préférant la facilité et le confort d’une dépendance béate, d’une insécurité incontestée, d’un havre sûr. Alors la famille et les autres relations deviennent un refuge, le refuge des êtres inconséquents. Dès que l’insécurité s’insinue au cœur de la dépendance, comme c’est inévitablement le cas, alors on laisse tomber la relation pour en nouer une autre, dans l’espoir d’y trouver une sécurité durable ; mais il n’existe de sécurité dans aucune relation, et la dépendance n’engendre que la peur. Si l’on ne comprend pas ce processus de sécurité et de peur, la relation devient une entrave, un piège, une forme d’ignorance. Toute l’existence n’est alors que lutte et souffrance, et il n’y a pas d’issue, si ce n’est dans la pensée juste, qui est le fruit de la connaissance de soi. 

 (…) Sans relation, point d’existence : être, c’est être relié…Il semble qu’en général nous ne comprenions pas que le monde, c’est ma relation à l’autre, que l’autre soit un ou multiple. Mon problème est celui de la relation. Ce que je suis, je le projette –et, bien sûr, si je ne me comprends pas moi-même, tout mon cercle relationnel n’est qu’un cercle de confusion qui va s’élargissant (…). Le monde n’est pas quelque chose en dehors de vous et de moi : le monde, la société, sont les relations que nous établissons, ou que nous essayons d’établir entre nous. Ainsi le problème n’est autre que vous et moi, et non le monde, car le monde est la projection de nous-mêmes, et pour le comprendre nous devons nous comprendre. Il n’est pas isolé de nous : nous sommes le monde, et nos problèmes sont les siens. »

(Krishnamurti, Le Livre de la Méditation et de la Vie, 1997 Editions Stock pour la traduction française.  

 N.B. Pour (re)lire d'autres notes qui parlent de relation il suffit d'introduire le mot dans la case Rechercher (colonne à gauche).

24/12/2015

Joyeuses Fêtes!

Noël, extraits, livre

Joyeux Noël! Merry Christmas!

"La force, ça ne consiste pas à surmonter les chocs. La force, ça consiste à les accepter."

"Il pensait aux gamins à l'école, autrefois et aussi aujourd'hui, il en était sûr, qui disaient toujours qu'ils s'ennuyaient. Il n'avait jamais compris ça. Le vent qui agite les feuilles des arbres, l'éclat vernis du soleil sur du verre ou de l'acier, les ailes d'une mouche -tout était intéressant. Il suffisait de faire attention, il suffisait de regarder."(James Sallis, The Killer is Dying/Le tueur se meurt, 2011).

"Le bonheur ou le malheur dépend uniquement de la qualité de l'objet auquel nous nous attachons par amour". (Spinoza)

"La solitude ne vient pas du fait de ne pas avoir de monde autour de nous, mais de ne pas être capables de communiquer les choses qui sont importantes pour nous." (Carl Gustav Jung)

26/07/2015

30-second Brain

neuroscience,cerveau,conscience,information intégrée,livre

L'édition française et l'édition originale

Extraits

 

Le cerveau est un mécanisme complexe de traitement de l’information –pas juste les faits, mais la manière dont nous bougeons, ressentons, rions, pleurons. Les neuroscientifiques découvrent constamment de nouveaux aspects des rouages du cerveau.

La compréhension de son fonctionnement constitue l’une des plus grandes quêtes scientifiques. De manière générale, le cerveau nous attire parce qu’il définit qui nous sommes. Hippocrate disait il y a fort longtemps : « Les hommes doivent savoir que c’est seulement du cerveau que viennent les joies, les délices, les rire, les plaisanteries, ainsi que les chagrins, les peines, le découragement et les lamentations. » Plus récemment, Francis Crick –l’un des grands biologistes de notre époque –exprimait la même idée : « Vous, vos joies et vos chagrins, vos souvenirs et vos ambitions, votre sentiment d’identité personnelle et votre libre arbitre, n’êtes en fait que le comportement d’une vaste assemblée de cellules nerveuses et de leurs molécules associées. » Le cerveau est également responsable de la façon dont nous percevons le monde et nous y comportons. Comprendre le cerveau, c’est donc nous comprendre nous-mêmes, ainsi que notre place dans la société et dans la nature. La neuroscience est devenue une vaste entreprise impliquant des hommes de science de bien de disciplines différentes et de tous les pays du monde. La réunion annuelle de la Société pour la neuroscience attire près de 30 000 spécialistes du cerveau. Aucune personne ne peut se tenir parfaitement au courant de cet immense domaine en constante mutation.  Ceci est un livre utile pour comprendre quelques idées de base qui sous-tendent cette complexité.

 

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25/03/2015

Méditation et thérapie

méditation, mindfulness, altruisme, Matthieu Ricard, livre, thérapies, recherche (Photos Nice: la Promenade des Anglais)

 

Dans un entretien où il parle de son livre sur l'altruisme, Matthieu Ricard nous rappelle ces paroles de Victor Hugo: "Il n'y a rien de plus puissant qu'une idée dont le temps est venu". Notre époque serait donc celle de l'altruisme, qu'il faudrait introduire dans une économie positive et dans une stratégie environnementale à long terme, et surtout enseigner à l'école, de manière laïque. En Amérique du Nord, des projets pédagogiques consistant à rendre familière aux élèves la pratique de la pleine conscience par la méditation donnent des résultats très positifs: la violence a baissé en proportion de 24%, le comportement social s'est amélioré en proportion de 24%, les bons résultats en maths ont augmenté de 15%, la conduite en classe est devenue meilleure (l'autocontrôle, l'attention, le respect des autres). Dans ces pratiques inspirées de la sagesse orientale il n'est pas question de "religion déguisée", et cela pour la simple raison qu'on n'enseigne pas un dogme religieux. Méditer signifie cultiver des qualités, telles l'attention, l'empathie, la compassion, la liberté intérieure, afin d'entraîner son esprit pour mieux comprendre la réalité, et devenir plus fort face à l'adversité extérieure. Il est évident que l'ouverture d'esprit va faire diminuer le sentiment de peur, de vulnérabilité, d'insécurité, et va augmenter la confiance, le courage, la disponibilité pour les autres. C'est notre vision du monde qui compte, et c'est elle qui impacte la qualité de notre vie. 

 

Les recherches menées ces dernières décennies sur le cerveau ont mis en lumière les rapports entre les émotions, le comportement et l'équilibre neurochimique dans le cortex préfrontal. Récemment, des chercheurs de l'Université de Barkeley ont mis au point une molécule (le Tolcapone) qui imite les effets de la dopamine (l'hormone de la sociabilité) et peut créer une motivation vers des comportements prosociaux, par exemple plus d'équité. Cela montre que l'étude scientifique des problèmes de la nature humaine peut fournir des perspectives intéressantes pour le diagnostic et le traitement des dysfonctions sociales. On a donc observé comment notre aversion à l'égard de l'inégalité est influencée par la chimie de notre cerveau. L'espoir des chercheurs est que des médicaments qui ciblent la fonction sociale pourront être utilisés un jour pour traiter des états handicapants. 

La pratique de la pleine conscience (Mindfulness) tient déjà sa promesse dans le traitement de la dépression, la plus tenace maladie mentale: 80% des personnes ayant déjà eu un épisode dépressif vont rechuter. Les médicaments perdent leur effet dans le temps, si des fois ils en ont eu. Cette thérapie basée sur la méditation (Mindfulness Based Cognitive Therapy -MBCT)  et introduite par le Dr. Kabat-Zinn dans les hôpitaux aux Etats-Unis, aide à prévenir la rechute. On sait bien que les gens présentant un risque de dépression sont ceux qui ruminent des pensées négatives, des sentiments et des croyances envers eux-mêmes qui les poussent vers la dépression. La MBCT les aide à reconnaître ce qui se passe, en les faisant s'engager dans une voie différente et réagir avec compassion et humeur égale. La pleine conscience consiste à prêter attention à l'expérience du moment présent, en observant les pensées et les émotions sans les juger et sans se laisser attraper par celles-ci. Le but est d'arrêter le vagabondage de l'esprit, et de se concentrer sur sa respiration, en laissant ainsi moins de place pour la rumination. Le Dr. Zindel Segal observe que la méditation a pénétré dans notre culture d'une manière qui aurait paru inconcevable il y a une vingtaine d'années, quand les recherches commençaient à s'y intéresser pour un possible traitement des troubles de l'humeur. Le point fort de cette thérapie bienveillante est qu'elle n'a pas d'effets secondaires. Elle peut aussi accompagner un autre type de thérapie. Les personnes dépressives qui choisissent de la pratiquer activement, comme une alternative intéressante aux médicaments, développent un meilleur sens de l'auto-efficacité, et donc de l'estime de soi.

 

Aujourd'hui la popularité croissante des techniques de méditation parmi les chercheurs et le public n'est plus à démontrer, mais évidemment, certains pays sont plus avancés par rapport à d'autres: recherches, programmes, projets, thérapies. C'est sans nul doute l'aspect contemporain qui pourrait devenir le plus fédérateur, en alliant la sagesse à la rigueur de la science, et en mettant entre parenthèses les dogmes religieux qui divisent. 

Dans cette vidéo, vingt minutes réconfortantes, dans le langage le plus laïc possible, avec Matthieu Ricard, scientifique (Docteur en génétique cellulaire) et moine bouddhiste.