01/06/2022
Paradoxes de philosophes (2)
(Photo-Cannes, Mai 2022)
Dans cette note, la suite des paradoxes sélectionnés (voir précédemment Paradoxes de philosophes, pour les références également). Découvrons avec Kant que l’hypocrisie est non seulement une nécessité sociale, mais a aussi une signification morale. Découvrons avec Weber qu’en voulant le bien on obtient le mal. Découvrons avec Nietzsche qu’une petite mémoire est puissante, car l’oubli dégage de nouveaux horizons. Découvrons avec Bergson pourquoi le langage est inapte à exprimer la subtilité d’une idée, la coloration précise d’un sentiment ou même la réalité objective. Découvrons avec Watzlawick que le problème c'est la solution. Découvrons avec Descartes que la générosité est une question d’ego. Découvrons avec Merleau-Ponty que les apparences ne sont jamais trompeuses car elles révèlent une partie de la réalité qui reste vraie, bien que fragmentée. Découvrons avec Leibniz que le pire est le meilleur, car pour toute chose qui existe, il y a une raison qui suffit à expliquer pourquoi elle existe ainsi et pas autrement, mais notre raison de créature limitée ne nous permet pas de saisir cette « raison suffisante. »
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01/05/2022
Paradoxes de philosophes
(Photo- Les roses du printemps 2022 au parc Durandy, Nice)
Dans nos efforts pour comprendre le monde, nous avons le choix entre plusieurs discours : scientifique, religieux, philosophique, poétique, psychanalytique. Néanmoins, comme le remarque Cioran (« Ecartèlement »), « prendre parti ou y répugner, épouser une doctrine ou les rejeter toutes en bloc », c’est « un orgueil dans les deux cas, avec cette différence qu’on risque d’avoir à rougir de soi beaucoup plus dans le premier cas que dans le second, la conviction étant à l’origine d’à peu près tous les égarements, comme de toutes les humiliations ». Pour sa part, il dit n’avoir jamais pu savoir « ce que être veut dire, sauf parfois en des moments éminemment non philosophiques». Il observe aussi que « mourir à soixante ou à quatre-vingts ans est plus dur qu’à dix ou à trente », à cause de l’accoutumance à la vie, « car la vie est un vice. Le plus grand qui soit. Ce qui explique pourquoi on a tant de peine à s’en débarrasser ». En même temps, « il n’est rien de plus mystérieux que le destin d’un corps ». Néanmoins, les philosophes nous aident à regarder le monde autrement, même si l'on n'épouse pas une doctrine. C'est ce à quoi nous invite ce livre: Découvrez avec Kant les vertus de l’hypocrisie. 50 paradoxes loufoques de philosophes. J’en ai sélectionné seize : huit dans cette note, et huit dans la prochaine note.
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01/03/2022
Soyons des progressants!
(Photo- L'amandier en fleur sur la Coulée verte, Nice)
Cette note aimerait vous suggérer une lecture réconfortante, utile et accessible. Les philosophes antiques se percevaient comme des progredientes (des « progressants ») pour qui le sens de l’existence consistait à se départir des passions tristes et à accéder à la vie bonne. Approfondir le sens et les motivations de nos actions, comprendre nos passions et nos émotions, afin de mieux vivre, c’est une démarche qui n’est pas nouvelle, certes, mais qu’il faudrait entreprendre avec les outils de notre époque.
Les trois auteurs du livre « A nous la liberté ! », trois amis en quête de progrès intérieur, nous proposent une réflexion sur le thème de la liberté, en nous faisant part de leurs échanges et de leurs témoignages. Il est question de liberté intérieure, sans laquelle la liberté extérieure ne serait possible. Nous sommes invités à opérer une conversion pour quitter le mode pilote automatique dans lequel nous vivons au quotidien (nos habitudes, nos routines de comportement et de pensée), en nous attaquant aux conditionnements qui peuvent devenir de véritables toxines du mental. La formule d’Erasme - « on ne naît pas homme, mais on le devient » - pourra ainsi devenir « On ne naît pas libre, on le devient, et ce n’est jamais fini ! » (André Comte-Sponville). Nous faisons un travail permanent, de tous les instants, afin de préserver ou de restaurer nos libertés intérieures (nous affranchir de nos peurs et de nos habitudes, quitter le narcissisme ou l’égoïsme) ou extérieures (nous libérer de nos attachements excessifs et de nos dépendances). Cet effort sur soi, que les Anciens appelaient la métanoïa, est en fait un travail soutenu pour arriver à maîtriser l’art de vivre qui assure la sérénité de l’esprit. Un travail avec notre propre vie.
Qu’est-ce que la liberté intérieure ? Alexandre Jollien cite la lettre de Spinoza à Schuller : « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent ». Nous sommes, presque tous, le jouet de nos égarements, de nos conditionnements, de nos pulsions, de nos conflits intérieurs, de nos pensées errantes et de nos émotions perturbatrices. Cette servitude est à l’origine de nombreux tourments. Epictète avait l’habitude de répondre, quand on lui demandait qui il était: « Un esclave en voie de libération ». Il s’agit bien d’une prison, celle des mécanismes et des rouages mentaux qui nous asservissent, et qu’il faut essayer de comprendre d’abord pour pouvoir s’en débarrasser ensuite. Nous avons besoin d’un bon discernement pour les identifier, et celui-ci n’existe pas sans la sagesse, la lucidité et la compétence. La liberté intérieure peut donc s’acquérir par une meilleure compréhension du fonctionnement de notre esprit, et par une élucidation des mécanismes du bonheur et de la souffrance. Une fois que ce discernement agit, il faudra s’entraîner constamment pour gérer avec aisance et intelligence les états mentaux qui nous affligent. La liberté intérieure nous confère une grande force parce que nous devenons moins vulnérables à nos propres pensées, et aussi moins désorientés par les conditions extérieures qui ne cessent de changer. Et si nous nous sentons moins vulnérables, nous sommes moins centrés sur nous-mêmes et nous sommes plus ouverts à autrui, plus disponibles, plus empathiques, plus bienveillants. La liberté intérieure ne nous est pas donnée, elle se découvre et se construit individuellement, mais dans le réel. Néanmoins, dans ce travail, nous n’avons pas de chances égales au départ, puisque chacun porte son histoire, ses traumatismes, ses blessures, ses dysfonctionnements internes, ses lacunes et ses carences, mais aussi des ressources insoupçonnées.
Si le garant de la liberté extérieure, des corps, c’est la loi (« La liberté, c’est le droit de faire ce que les lois permettent », Montesquieu), la liberté intérieure, celle de l’esprit, dépend des lois du cerveau. C’est le fonctionnement particulier du cerveau qui risque de nous enfermer dans nos habitudes et nos automatismes, nos négligences, nos peurs, nos émotions.
Il n’y a pas de liberté intérieure sans sagesse. Et accéder à la sagesse n’est pas un cheminement facile. Le livre des trois amis - un philosophe, un scientifique et moine bouddhiste, un psychiatre - offre des outils pour mieux réfléchir et pour s’exercer dans cette voie. Il est structuré ainsi : la première partie comprend un inventaire des obstacles à la liberté intérieure (la faiblesse de la volonté, la dépendance, la peur, le découragement et le désespoir, l’égocentrisme, l’égarement), la deuxième est centrée sur l’environnement qui agit sur notre mental (lieux, environnement culturel), la troisième fait un résumé de nos efforts vers la libération (efforts difficiles, efforts joyeux, l’entraînement de l’esprit, la méditation, le rôle de l’action dans la transformation de soi et du monde), et la quatrième énumère les résultats de la liberté (la paix intérieure, notre nature profonde, la peur de la mort, l’éthique, la bienveillance).
Références:
Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard, A nous la liberté ! , L’Iconoclaste et Allary Editions, Paris, 2019
Archives CEFRO : La pensée positive et le progrès (2015)
Les forces intérieures, une source durable de bien-être (I) (2020)
Le bonheur et la solitude (2014)
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01/09/2021
Littérature
(Photo- Les chaises bleues, Nice)
Pour cette rentrée, voici une invitation à la rencontre de l'écrivain japonais Haruki Murakami. Quelques extraits d’un roman profond et envoûtant, de la vraie littérature plutôt rare de nos jours, malgré l’énorme quantité de produits littéraires:
« Ne vous arrêtez pas. Continuez à avancer », fit Donna Anna, coupant court à toute discussion. (…)
« Mon corps refuse de bouger, articulai-je tant bien que mal à l’adresse de Donna Anna, en principe derrière moi. Je ne peux pas respirer non plus.
-Tachez de contrôler votre esprit, dit Donna Anna. Vous ne pouvez pas vous abandonner à vos émotions ainsi. Si vous vous montrez irrésolu, vous serez la proie rêvée d’une Double Métaphore.
- Une Double Métaphore ? Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.
- Vous devez le savoir déjà.
- Moi, je le saurais ?
- Puisqu'elles se trouvent en vous, dit Donna Anna. Tapies en vous, elles se saisissent des pensées justes que vous avez et les dévorent les unes après les autres. Elles s’en nourrissent et s’en engraissent. Voilà ce qu’est une Double Métaphore. Elles logent à l’intérieur de vous-même depuis toujours, dans les profondes ténèbres qui vous habitent.
Haruki MURAKAMI, Le Meurtre du Commandeur. Une Idée apparaît, Livre I. La Métaphore se déplace, Livre 2. Editions Haruki Murakami, 2017. Editions Belfond, 2018, pour la traduction française.
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