Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/02/2025

L'Imposture

imposture, imposteur, livre, psychologie, religion

(Photo- "Illusions perdues" et "Splendeurs et misères des courtisanes", deux piliers de la Comédie humaine de Balzac)

 

Une simple recherche nous dirige vers cette définition de l’imposture: action de tromper par de fausses apparences et des allégations mensongères, dans sa conduite, dans ses mœurs, notamment en usurpant une qualité, un titre, une identité ou en présentant une œuvre pour ce qu’elle n’est pas. Se faire passer pour ce qu’on n’est pas par une parole, un acte ou une manœuvre qui vise à tromper une personne afin d’en tirer profit. Au sens figuré, illusion: l’imposture des sens. Le terme est souvent utilisé pour désigner des doctrines destinées à séduire les hommes, mais également pour désigner certains ouvrages fabriqués dans une intention de fraude et donnés comme l’œuvre de quelque auteur connu. Du latin classique imponere (le terme veut dire porter une charge, imposer un tribut, et il a pris une connotation de tromperie) et du bas latin impostura. Synonymes : fausseté, duplicité, tromperie, mensonge.

Certains individus font preuve d’un comportement étonnant en recourant à l’imposture parfois tout au long de leur vie, sans qu’une motivation tangible puisse être discernée. Le ressort psychologique de l’imposture se trouve bien évidemment dans la structure du sujet et il est lié à l’identité et au mensonge, les deux impliqués dans le phénomène. Rappelons les définitions qu'en donne le Dictionnaire de psychologie: 

« Relative à la conception que chaque société élabore de l’identité humaine, ethnique et culturelle, l’identité personnelle résulte de l’expérience propre à un sujet de se sentir exister et reconnu par autrui en tant qu’être singulier mais identique, dans sa réalité physique, psychique et sociale. L’identité personnelle est une construction dynamique de l’unité de la conscience de soi au travers de relations intersubjectives, des communications langagières et des expériences sociales. C’est un processus actif, affectif et cognitif, de représentation de soi dans son entourage associé à un sentiment subjectif de sa permanence. Ce qui permet de percevoir sa vie comme une expérience qui a une continuité et une unité et d’agir en conséquence. L’identité personnelle prend part dans une lignée. L’identité sociale résulte d’un processus de positionnement dans l’environnement: la participation à des groupes ou à des institutions. Elle peut être octroyée ou revendiquée en fonction des modalités d’affirmation de soi et du désir d’accomplissement. Sa construction et ses caractéristiques sont donc relatives, interactives et fonctionnelles. »

« Le mensonge est l’objet d’une conduite généralement verbale produisant des assertions contraires à ce qui est réputé vrai. Pour les moralistes, le mensonge implique l’intention de tromper. Il s’agit donc d’une conduite extrêmement complexe, qui suppose chez le locuteur un développement du langage suffisant pour entraîner la croyance de l’auditeur, l’élaboration des concepts de vérité et d’erreur, la mise en place de stratégies sociales à long terme. Le mensonge peut cependant être mis en œuvre « en catastrophe » pour résoudre à très court terme une situation conflictuelle insoutenable ». Néanmoins, il faut noter que « la conduite du mensonge implique la reconnaissance du secret, de la subjectivité et de la dissociation entre la conduite représentée et la conduite exprimée ou agie. Le mensonge en ce sens exprime le plus haut niveau de la prise de conscience. »

La psychopathologie de l’imposture a intéressé depuis longtemps les spécialistes du comportement humain, tel qu’il apparaît dans le monde réel ou dans des récits, des témoignages, des histoires. La littérature et la philosophie fournissent de nombreux exemples. Le fonctionnement psychique de l’imposteur qui met en scène une tromperie à usage collectif, qui sait tirer profit du semblant sur lequel se construit son discours même, avait déjà suscité l’attention de Freud et des premiers analystes. L’imposteur est celui qui abuse de l’apparence et impose l’image qui va rendre la victime de l’imposture fatalement solidaire de son acteur. L’imposture trouve toujours preneur, ce qui fait que l’on assiste à une double tromperie. Escroquerie, faux-self, simulation, et surtout discours habile, convaincant. Le comble de la manipulation est atteint dans les escroqueries, car la communication élaborée par quelqu'un peut « construire » pour un autre une situation différente de celle dans laquelle il se trouvait au début de cette situation de communication. Le principe à la base de l’escroquerie est que, pour changer le comportement des autres, il faut construire, pour eux, des situations dans lesquelles ce que l’on veut leur faire faire ou faire croire prend un sens positif.

Lorsque les destinataires séduits se réveillent, ils ne savent pas s’ils ont été piégés par l’imposteur, en tant qu’acteur, ou par son discours. Cela s’explique aussi par le désir social, qui aime un beau trucage, l’énergie des belles paroles. On peut donc parler d’une rhétorique de l’imposture. Et où serait la rhétorique de l’imposture plus présente sinon en religion et en politique ?

En examinant l’imposture sous un angle psychanalytique, l’article de revue L’imposture héroïque. L’art du semblant, paru dans Cliniques méditerranéennes (2010) rappelle que Freud voit chez le  héros un genre d’imposture, car c’est le héros qui tue, or il s’agit du meurtre collectif originaire. L’article envoie aussi au Traité des trois imposteurs, c’est-à-dire les fondateurs des trois religions révélées. Il s’agit d’un texte qui a connu un succès extraordinaire tout au long du XVIII e siècle, et qui avait été recopié à la main de nombreuses fois. Selon le mystérieux auteur du texte, toutes les religions sont des fables entretenues par des imposteurs de mèche avec le pouvoir politique pour tyranniser le peuple. Le texte date de la fin du XVIIe siècle et il s’inspire des archives de Spinoza conservées aux Pays-Bas après la mort du philosophe (d’ailleurs, aujourd'hui il est édité sous la catégorie L’Esprit de Spinoza).

Le Traité commence ainsi :

« Quoiqu'il importe à tous les hommes de connaître la vérité, il y en a très peu cependant qui jouissent de cet avantage: les uns sont incapables de la rechercher par eux-mêmes, les autres ne veulent pas s’en donner la peine. Il ne faut donc pas s’étonner si le monde est rempli d’opinions vaines et ridicules; rien n’est plus capable de leur donner cours que l’ignorance; c’est là l’unique force des fausses idées que l’on a de la Divinité, de l’Ame, des Esprits et de presque tous les autres objets qui composent la Religion. (…) Ce qui rend le mal sans remède, c’est qu’après avoir établi les fausses idées qu’on a de Dieu, on n’oublie rien pour engager le peuple à les croire, sans lui permettre de les examiner; au contraire on lui donne de l’aversion pour les Philosophes ou les véritables Savants, de peur que la raison qu’ils enseignent ne lui fasse connaître les erreurs où il est plongé. Les partisans de ces absurdités ont si bien réussi, qu’il est dangereux de les combattre. (…) Si le peuple pouvait comprendre en quel abyme l’ignorance le jette, il secouerait bientôt le joug de ces indignes conducteurs, car il est impossible de laisser agir la raison sans qu’elle découvre la vérité. (…) On n’a besoin que d’un peu de bon sens pour juger que Dieu n’est ni colère ni jaloux; que la justice et la miséricorde sont de faux titres qu’on lui attribue; et que ce que les Prophètes et les Apôtres en ont dit, ne nous apprend ni sa nature ni son essence. »

(Paul Henry Thiry, Baron d’Holbach (1723-1789), Traité des trois imposteurs)

Ce texte, qui était méconnu du grand public, montre qu’il existait bien avant l’Europe des Lumières  un puissant courant libertaire (qui allait aboutir à la Révolution française). Il redevient actuel à notre époque, en ce XXIe siècle où les plus hautes performances technologiques coexistent avec le prosélytisme religieux et l’enfermement communautaire, avec les conflits religieux et leurs attentats.

A propos de l’extraordinaire siècle des Lumières, voici un livre qui vient de paraître (Après Dieu) et qui nous fait redécouvrir l’esprit de Voltaire au travers d’un dialogue imaginaire que l’auteur, Richard Malka, défenseur de la liberté d’expression et du journal Charlie Hebdo, porte au Panthéon avec François-Marie Arouet. L’auteur le dédie « A tous ceux qui ont été tués au nom de Dieu. Pour un juron, une prière oubliée, un adultère, une apostasie ou un rire. A mes amis surtout. Ils riaient beaucoup, ne priaient jamais, étaient peu fidèles, totalement apostats et ils riaient avec ferveur. »

Quelques extraits de ce livre qui me semble offrir aussi une bonne description de la religion comme imposture sociale pourront être lus dans ce document PDF

 

 

Ressources

Dictionnaire de psychologie

Dictionnaire Larousse

Cliniques méditerranéennes, 2010/81

La manipulation dans l’escroquerie (dans l’ouvrage Influencer, persuader, motiver, Alex Mucchielli, Editions Armand Colin, 2009)

Richard Malka, Après Dieu, Editions Stock, 2025

Et aussi les Archives CEFRO sur la conscience

http://www.cefro.pro/archive/2022/09/26/l-emprise-psychol...

 http://www.cefro.pro/archive/2015/05/31/la-pensee-positiv...

http://www.cefro.pro/archive/2019/11/28/notre-part-d-ombr...

 

 

 

 

01/12/2024

La mémoire du blog (II)

DSC_2394-EFFECTS.jpg

(Photo- La statue de la Liberté sur la Promenade des Anglais)

« Les approches de troisième vague » en psychologie sont centrées sur l’observation, la reconnaissance, l’exploration et le non-jugement de nos expériences, et plus exactement sur la thérapie de l’acceptation et de l’engagement. Dans l’ouvrage Eloge de la lucidité, Prix Psychologies-Fnac 2015, il est question de la quête du bonheur et de ses pièges, de la différence entre la pensée positive ou magique et la psychologie positive, de l’idéalisation, de l’évitement, de la poursuite de l’estime de soi qui peut s’opposer à un moment donné à la tolérance, à l’auto-compassion, à l’élargissement de soi.

http://www.cefro.pro/archive/2016/10/18/acceptons-nos-emo... (I)

http://www.cefro.pro/archive/2016/11/12/acceptons-nos-emo... (II)

 

01/11/2024

La mémoire du blog (I)

archives,solitude,isolement,bonheur

(Photo- Les toits de Nice)

Le site Positive Psychology écrit que le fait d'être seul n’est pas forcément quelque chose de négatif. La solitude est une décision de passer du temps avec soi-même, ce qui est souvent associé à des expériences positives comme la réflexion, la créativité, la paix intérieure. Choisir la solitude peut nous recharger et nous renouveler, en nous offrant l’opportunité de nous reconnecter à nous-mêmes et à notre propre développement. Les études montrent que la solitude choisie réduit le stress et renforce la créativité, en contribuant ainsi à un meilleur équilibre dans notre vie. En revanche, l’isolement est le sentiment d’être isolé, sans avoir fait ce choix. Il peut mener à se couper des autres, il peut éroder l’estime de soi et le sentiment de sa propre valeur. L’isolement chronique peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale et physique, en augmentant le risque d’anxiété, de dépression et de maladies cardiaques. Il est important de faire cette distinction entre solitude et isolement, de distinguer entre se sentir bien en étant seul et se sentir isolé, parce que la solitude peut être enrichissante tandis que l’isolement peut abîmer. Dans un monde hyper-connecté comme celui où nous vivons, trouver des moments de solitude peut être un vrai cadeau que nous nous offrons à nous-mêmes pour prospérer mentalement et émotionnellement. 

L'écrivain Haruki Murakami écrit dans l'un de ses romans (Norwegian Wood) que la solitude n'est pas l'absence de gens, mais l'absence de but, de sens. "Quand vous vous trouvez dans un monde où tout parait étranger et lointain, où chaque lien est superficiel, où chaque tentative de comprendre rencontre l'indifférence, vous vous apercevez que la vraie solitude, ce n'est pas être seul mais se sentir seul dans un monde qui ne fait plus sens.". 

Dans une note de 2014 sur le bonheur et la solitude, je rappelais une étude extrêmement intéressante datant de 1996, sur la physiologie de l’ennui, la dépression et la démence sénile. L’hypothèse médicale de N.N. Saunders porte sur le fait que la stimulation mentale assure le sang, l’oxygène et les nutriments nécessaires au cerveau. Cette stimulation peut être intérieure (réflexion) ou extérieure, venant de l’environnement, et que nous percevons à travers nos sens. En l’absence de stimulation, les neurones se rétrécissent et s’atrophient. Ce n’est donc pas une question de diète, ni d’exercice physique, ni d’âge (en Corée du Sud, des 20-30 ans souffrent de Digital Dementia), mais de stimulation.

Voici cette note, avec des références à plusieurs articles sur le sujet:

http://www.cefro.pro/archive/2014/10/17/le-bonheur-et-la-solitude.html  

 

 

01/10/2024

Estime de soi et licenciement

licenciement,estime de soi,résilience

(Photo- Nice, les couleurs du matin)

Dans un enregistrement vidéo, le psychiatre Christophe André résume les trois composantes principales de l’estime de soi.

En imaginant l’estime de soi comme une sorte de cocktail, on pourra dire que le premier tiers de ce cocktail est la partie qui dépend de nos actions qui la nourrissent, qui l’alimentent, c’est-à-dire faire des choses qui marchent : être bon dans un sport, à son travail, réussir un bricolage, faire pousser des tomates, etc. Tous les petits succès concrets, matériels, nourrissent l’estime de soi. C’est ce qu’on appelle l’agentivité, le sentiment de pouvoir agir sur le monde matériel.

Le deuxième tiers de ce cocktail, c’est le sentiment d’être apprécié par les autres, et cette nourriture de l’estime de soi est capitale. Nous avons besoin de sentir que les autres nous respectent, nous estiment, nous aiment, parfois nous admirent, mais l’admiration n’est qu’un petit bout de ce sentiment de relation positive aux autres. D'après certains chercheurs, l’estime de soi est une nourriture très importante pour le sentiment de relation positive aux autres: le sentiment de popularité, le sentiment de reconnaissance, d’exister aux yeux des autres, d’exister positivement.

La troisième partie du cocktail, c’est l’acceptation inconditionnelle. L’amour inconditionnel de soi. Cela se résume ainsi: quoi que je fasse, même si j’échoue, même si j’ai l’impression que personne ne m’aime, j’ai quand même de la valeur. Je vaux quand même quelque chose et je dois me respecter. Nous avons besoin de toutes ces trois composantes dans notre vie. Quand ça se passe moins bien avec les autres ou quand nous ratons des choses, notre estime de soi se rabougrit un peu, mais il est important d’avoir ce noyau dur et pouvoir se dire: Même mal-aimé, même en échec, ne te jette pas à la poubelle.

J’ai eu l’occasion de réfléchir à nouveau à ces aspects en apprenant la manière dont une grande compagnie organise deux vagues de licenciements, au cours de cette année. La stratégie de la compagnie est justifiée, en soi, disons simplement que, dans un contexte économique peu favorable, ses coûts augmentent et ses bénéfices diminuent, malgré un chiffre d’affaire toujours impressionnant, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards. Et puisque la compagnie ne peut licencier les ouvriers auxquels elle a déjà accordé une augmentation suite à la pression des syndicats, elle met en œuvre un plan qui vise des cadres, quelques milliers de personnes. On introduit des IA, là où cela est possible, mais la quantité de travail sera répercutée en grande partie sur ceux qui vont conserver leur poste. Cela pour le mécanisme. Voici pour la méthode : les cadres (des managers, des chefs de projets) reçoivent par e-mail en début de semaine (lundi) la notification que leur poste va être supprimé en fin de semaine (vendredi). Ils ne sont pas informés ou préparés plus que ça. Bien entendu, tout le monde est au courant depuis quelques mois que tel pourcentage du personnel devra disparaître, mais les positions ne sont pas mentionnées. Dans la plupart des cas, il est question de gens ayant 25-30 années de service dans la compagnie. Bien sûr, ils partent avec plusieurs mois de salaire (ils ont un salaire plutôt confortable) et ils auront une assurance santé prévue pour cette situation intermédiaire, avant de pouvoir retrouver un emploi.

Mais je ne peux m’empêcher de penser que la méthode est assez brutale, et que ces cadres, bien que normalement résilients ou aguerris, car formés dans un environnement compétitif par définition, devront avoir une forte estime de soi pour mobiliser leurs forces, se remettre en condition et proposer (lire vendre) leurs compétences. Ils trouveront vite, me rassure-t-on, le marché du travail en question est extrêmement dynamique, le chômage n’est pas élevé, l’optimisme est la règle…

Sur l’estime de soi, cette note de l’année dernière :

http://www.cefro.pro/archive/2023/04/27/l-estime-de-soi-6...