01/01/2021
L'esprit libre
(Photo- Les rosiers de la station Durandy, Nice)
Bonne Année 2021 !
En ce début d’année, voici quelque matière à nourrir notre réflexion, puisée dans le Livre de la Méditation et de la Vie. Sage de renommée internationale, premier maître spirituel laïc, J.Krishnamurti (1895-1986) a parcouru le monde pour transmettre à tous un message de sagesse et pour encourager les hommes à se libérer de toute croyance. De 1930 à sa mort en 1986, il a dispensé son enseignement limpide et authentique sur la liberté, la souffrance, le désir, l’amour, la mort, la créativité, la méditation dans des conférences, des écrits, des entretiens, et son public n’a cessé de s’élargir sur tous les continents. Loin de prétendre à fonder une église ou une secte, ce philosophe inclassable invite chacun de nous à prendre conscience des multiples conditionnements qui l’environnent -idéologies, croyances, modèles sociaux…- afin de s’en dégager et de trouver en lui-même la source de sa liberté. Environs vingt-cinq de ses ouvrages ont été publiés en France (Se libérer du connu ; L’Eveil de l’intelligence ; Commentaires sur la vie ; Le Temps aboli (entretiens avec David Bohm, professeur de physique théorique).
Le présent ouvrage (le Livre de la Méditation et de la Vie, titre original The Book of Life, Daily Meditations with Krishnamurti, Harper’s San Francisco, 1995, Editions Stock, 1997 pour la traduction française) contient des extraits d’entretiens et d’écrits datant des années 1933 à 1968 et offre un panorama des thèmes les plus souvent abordés dans son enseignement. Le livre s’inspire, dans sa présentation, de la manière dont Krishnamurti ordonnait ses causeries et ses conférences : il commençait généralement par expliquer ce qu’écouter veut dire, et quelle est la relation entre l’orateur et son auditoire, avant d’aborder finalement les questions plus profondes. Les chapitres de l’ouvrage correspondent aux mois de l’année et chaque chapitre comporte quatre thèmes de réflexion.
« J’ai quelque chose à vous dire ; dire, peut-être, quel est le moyen de découvrir ce qu’est la réalité vraie - un moyen qui ne se réduise pas à un système, mais qui soit une manière de faire, une attitude (…) Nul ne peut en aucun cas accumuler la vérité ; ce qu’on accumule est toujours détruit, et se fane ; la vérité ne se fane jamais, car on ne la découvre que d’instant en instant, dans chaque pensée, chaque relation, chaque mot, chaque geste, le temps d’un sourire, d’une larme.(…) Ce que dit l’orateur a très peu d’importance en soi. La seule chose qui compte vraiment, c’est que l’esprit soit suffisamment vigilant - mais sans effort - pour être en perpétuel état de compréhension. Si, au lieu de comprendre, nous ne faisons qu’écouter des mots, nous repartons invariablement avec une série de concepts et d’idées, et ainsi nous instaurons un modèle auquel nous nous efforçons ensuite de nous adapter dans notre vie quotidienne ou soi-disant spirituelle. (…) En définitive, le but de tous ces entretiens est d’établir entre nous une communication -et non de vous imposer un certain ensemble d’idées. Jamais les idées ne changent quoi que ce soit à l’esprit, elles ne provoquent jamais en lui de transformation radicale. Mais si nous pouvons communiquer individuellement les uns avec les autres dans un même instant et à un même niveau, peut-être y aura-t-il alors une compréhension qui ne soit pas une simple propagande. »
Dans ce document PDF, vous trouverez de courts extraits du mois de janvier et du mois de février (la mise en page nous appartient).
13:02 Publié dans Blog, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Littérature, Livre | Tags : krishnamurti, extraits, méditation, connaissance de soi, apprendre, croyances | Lien permanent | Commentaires (0)
10/01/2016
La relation
( Photos- La mer à Antibes)
Pour les auteurs du Moyen Age, le monde est une théophanie. Alain de Lille s’exprime dans une célèbre formule : « toute créature nous est livre, image et miroir », et tous les auteurs spirituels conseillent de regarder attentivement le monde afin d’y découvrir Dieu et ses attributs, sagesse, puissance, providence et beauté. A plusieurs siècles d’intervalle, en 1934, Krishnamurti disait que le « livre de la vie », est le seul livre qui soit digne d’être « lu », les autres n’offrant que des informations de seconde main. « L’histoire de l’humanité - l’immense expérience, les peurs et les angoisses aux racines profondes, la douleur, le plaisir et toutes les croyances accumulées par l’homme depuis des millénaires -, cette histoire est en vous. Ce livre, c’est vous. »
Voici quelques extraits choisis de son Livre de la Méditation et de la Vie, sur la nature de la relation, puisque tout est relation à l’Autre.
« De toute évidence, ce n’est que dans la relation que se révèle le mécanisme de ce que je suis –ne croyez-vous pas ? Toute relation est un miroir dans lequel je me vois tel que je suis ; mais comme nous n’aimons généralement guère ce que nous sommes, nous commençons à réformer, dans un sens positif ou négatif, ce que nous percevons dans le miroir de la relation. Par exemple, je découvre, dans une relation, dans la façon dont elle se déroule, quelque chose qui ne me plaît pas. Alors je commence à changer ce que je n’aime pas, ce qui m’apparaît déplaisant. Je veux le modifier – ce qui signifie que je me suis déjà forgé un modèle de ce que je devrais être. Dès l’instant où il y a un schéma établi de ce que je que je devrais être, il n’y a aucune compréhension de ce que je suis. Dès que j’ai une image de ce que je veux être, ou de ce que je devrais être, ou ne pas être –une norme selon laquelle je veux me modifier –alors, assurément, toute compréhension de ce que je suis au moment de la relation devient impossible. Je crois qu’il est vraiment important de comprendre cela, car je crois que c’est là que nous faisons le plus souvent fausse route. Nous ne voulons pas savoir ce que nous sommes réellement à un point de la relation. Si notre seule préoccupation est le perfectionnement du moi, cela exclut toute compréhension de nous-mêmes, de ce qui est.
Toute relation est inévitablement douloureuse, ce dont notre existence quotidienne donne ample témoignage. Une relation où n’entre aucune tension cesse d’en être une, elle n’est plus qu’une drogue, un soporifique qui endort confortablement –et c’est ce qui convient le mieux à la plupart d’entre nous. Il y a conflit entre ce désir intense de réconfort et la situation effective, entre l’illusion et le fait. Si vous reconnaissez l’illusion, alors vous pouvez, en la dissipant, consacrer toute votre attention à la compréhension de la relation. Mais si vous recherchez la sécurité dans la relation, celle-ci devient un investissement de confort, un capital d’illusion –alors que c’est l’absence même de sécurité de toute relation qui en fait la grandeur. En recherchant une sécurité dans la relation, c’est la fonction même de la relation que vous entravez - attitude qui a ses propres conséquences et qui engendre ses propres malheurs.
Il ne fait aucun doute que la fonction de toute relation est de révéler l’état de notre moi tout entier. La relation est un processus de révélation et de connaissance de soi. Ce dévoilement de soi est douloureux, il exige des ajustements constants, une souplesse permanente de notre système intellectuel et émotionnel. C’est une lutte difficile, avec des périodes de paix lumineuse…mais en général nous cherchons à éviter ou éliminer la tension dans la relation, lui préférant la facilité et le confort d’une dépendance béate, d’une insécurité incontestée, d’un havre sûr. Alors la famille et les autres relations deviennent un refuge, le refuge des êtres inconséquents. Dès que l’insécurité s’insinue au cœur de la dépendance, comme c’est inévitablement le cas, alors on laisse tomber la relation pour en nouer une autre, dans l’espoir d’y trouver une sécurité durable ; mais il n’existe de sécurité dans aucune relation, et la dépendance n’engendre que la peur. Si l’on ne comprend pas ce processus de sécurité et de peur, la relation devient une entrave, un piège, une forme d’ignorance. Toute l’existence n’est alors que lutte et souffrance, et il n’y a pas d’issue, si ce n’est dans la pensée juste, qui est le fruit de la connaissance de soi.
(…) Sans relation, point d’existence : être, c’est être relié…Il semble qu’en général nous ne comprenions pas que le monde, c’est ma relation à l’autre, que l’autre soit un ou multiple. Mon problème est celui de la relation. Ce que je suis, je le projette –et, bien sûr, si je ne me comprends pas moi-même, tout mon cercle relationnel n’est qu’un cercle de confusion qui va s’élargissant (…). Le monde n’est pas quelque chose en dehors de vous et de moi : le monde, la société, sont les relations que nous établissons, ou que nous essayons d’établir entre nous. Ainsi le problème n’est autre que vous et moi, et non le monde, car le monde est la projection de nous-mêmes, et pour le comprendre nous devons nous comprendre. Il n’est pas isolé de nous : nous sommes le monde, et nos problèmes sont les siens. »
(Krishnamurti, Le Livre de la Méditation et de la Vie, 1997 Editions Stock pour la traduction française.
N.B. Pour (re)lire d'autres notes qui parlent de relation il suffit d'introduire le mot dans la case Rechercher (colonne à gauche).